
“Ich hab’ Hunger !” La phrase n’émane pas d’une traduction d’un album d’Astérix ou de Lucky Luke en allemand. Ceux qui la prononcent n’ont d’ailleurs rien de la bonhommie d’Obélix ou d’Averell – bien qu’ils partagent avec eux le port d’un habit rayé. Non. Ceux qui prononcent cette phrase ont vraiment faim. A tel point qu’ils s’apprêtent à se manger entre eux…
Bienvenus dans “Die Kannibalen” de George Tabori (1914-2007), la dernière création en date du Berliner Ensemble. Adaptée à la scène par Philip Tiedemann, cette oeuvre signée en 1969 par un auteur qui a perdu son père à Auschwitz, relate la misérable existence de prisonniers juifs dans un camp de concentration.
Kannibalen_119 © Monika Rittershaus / Thomas Wittmann, Axel Werner, Uli Pleßmann, Detlef Lutz, Sabin Tambrea, Martin Seifert, Stephan Schäfer, Martin Schneider, Winfried Goos, Jonathan Kutzner, Marvin Schulze
Après que le rideau rouge-sang ait été tiré, deux silhouettes d’hommes se dessinent peu à peu dans un épais voile de brouillard. Ils sont bientôt rejoints par des créatures voûtées toujours plus nombreuses qui raclent la scène de leur craie pour dessiner les frontières du camp. Puis un homme meurt. Le plus dodu d’entre tous. Et tous ont faim… Peut-on se rabaisser à manger de la viande d’homme, de la viande tatouée ? C’est la question centrale de la pièce et la marmite qui bout dans un coin de la scène en est son symbole.
Après une ouverture convaincante et des tête-à-tête rares mais réussis entre les deux personnages principaux – ils sont en tout onze sur scène, – “Die Kannibalen” n’attaque malheureusement jamais vraiment cette question de la bonne fourchette. La pièce pèche surtout par d’incessants changements de tons et de genres qui freinent et stoppent le propos à chaque fois que celui-ci semblait prendre de l’épaisseur : la lâcheté des uns, le passé des autres est brièvement esquissé, l’intérêt grimpe… puis badaboum, retour à la pantalonnade où les singeries l’emportent sur les traits d’esprit. Et ainsi les personnages de perdre de leur substance. Vides, ils auraient pu être drôles – Beckett et Ionesco l’ont démontré. Mais dans cette pièce, on frôle souvent le ridicule et le scandale sans vraiment toucher à l’humour.
Nicolas Donner
Photo-vignette : Kannibalen_316 © Monika Rittershaus / Sabin Tambrea, Stephan Schäfer, Marvin Schulze, Detlef Lutz, Winfried Goos, Marvin Schulze, Martin Schneider, Thomas Wittmann, Uli Pleßmann, Axel Werner, Martin Seifert.
Infos Pratiques
Mitte
Berliner Ensemble
Die Kannibalen (texte en allemand)
07/09/14 à 19h30
De 6€ à 31€
Theater am Schiffbauerdamm
Bertolt-Brecht-Platz 1, 10117 Berlin