Die Zauberflöte revisitée par Barrie Kosky

La Flûte Enchantée de Mozart, on en a tous déjà entendu parler. Mais combien d’entre nous l’ont vue ou la connaissent vraiment ? Mettre en scène un classique est toujours délicat. Comment faire mieux ou autrement ? La pièce a beau être plaisante, la critique ne se prive pas, elle aime le déjà-vu. Les artistes le savent bien, ils doivent apporter quelque chose de plus. Or cette fois-ci les critiques sont unanimes, pari tenu, la Flûte Enchantée de Barrie Kosky et de Suzanne Andrade au Komische Oper dénote et ravit, la salle n’en finit plus d’applaudir.

La version proposée par la troupe de théâtre anglaise « 1927 », magnifique hommage aux films muets et à la bande dessinée, est effectivement totalement nouvelle. D’un point de vue technique d’abord, les chanteurs ne sont plus seuls sur scène. Ils interagissent avec un écran géant derrière eux. Divers éléments s’animent sur la toile et dessinent devant nos yeux un monde imaginaire, complètement fou. Les chanteurs, qui ne peuvent voir l’écran, doivent être parfaitement synchronisés avec ce qui s’y passe. Ainsi que les musiciens. Le travail de préparation est donc énorme et l’on ne peut que saluer le résultat.

De ce fait, on s’interroge : qu’est-ce qui a tant plu ? Est-ce simplement la prouesse technique, aussi remarquable soit-elle ? Ou l’effet de surprise, dont le public berlinois raffole tant ?

L’installation de cet écran est bien plus qu’un simple procédé technique. Elle est bien évidemment très significative. Il y a un parti pris esthétique clair, ou tout du moins une réflexion sur les genres et nos habitudes en tant que spectateur.

Comme cet opéra, le dernier que Mozart ait écrit, la mise en scène naît des contrastes. Les différents genres s’observent, se défient et s’harmonisent. Il y a un véritable jeu entre film muet, film d’animation, le cabaret de la République de Weimar et le dancehall. Les rares dialogues de la pièce ne sont pas dits, ils sont mimés, tandis que les paroles sont projetées en très gros sur l’écran. Le spectateur n’a jamais rien vu de tel. Ou plutôt si, justement. Il entre avec une facilité déconcertante dans un univers, qui, pourtant, est monté d’une manière inédite et étonnante. De ce décalage naît une représentation, résolument novatrice. Dans cette savante construction, aucun élément n’est de trop, rajouté. Film et spectacle vivant ont été conçus en même temps, l’un par rapport à l’autre.

Quand aux couleurs de cet univers animé, elles sont plutôt sombres. Mais ce n’est pas une question de ton, la flûte enchantée est tantôt grave, tantôt joyeuse, on le sait bien. C’est plutôt le fruit d’un autre rencontre improbable, entre les cinéastes expressionnistes allemands des années 20 et l’humour anglais.

Le mélange réflexif des genres met en scène l’ambiguité de l’œuvre et des personnages, le côté expérimental de toute interprétation. L’écran décuple à l’infini les possibilités de la représentation. Les personnages y sont exposés jusque dans leurs pensées intimes. Le spectacle, qui se concentre sur l’histoire d’amour de nos deux héros, Tamino et Papageno , en quête de leur idéal féminin, projette leurs sentiments tout au long du voyage. Les personnages ne perdent-il pas un peu de leur charme suggestif ? À voir.

Bertille Sindou-Faurie

Photo 1 et 2 : Iko Freese/drama-berlin.de

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