La Biennale de Berlin nous fait redécouvrir le musée Dahlem

« La Biennale réinvente sa fonction à chaque fois », explique Juan A. Gaitán, théoricien de l’art canado-colombien, commissaire de la Biennale de Berlin qui se tient cette année du 29 mai au 3 août.

Créée en 1998, la Biennale de Berlin est considérée comme une jeune foire d’art contemporain comparée à Art Basel ou à la Fiac, fondées au début des années 1970, mais elle n’en reste pas moins représentative de la scène artistique contemporaine. Pour cette huitième édition, 53 artistes de diverses nationalités ont été invités à présenter des œuvres selon trois axes : le sentiment d’appartenance des citoyens à la ville, l’histoire de l’architecture dans la ville et les concepts historiques et contemporains du travail. Beaucoup d’œuvres ont été créées spécialement pour l’exposition, des projets complexes ou faisant partie d’une longue recherche, dont la lecture n’est pas toujours aisée.

Une des originalités de cette Biennale est qu’elle emmène les amateurs d’art « au vert », au-delà du « Ring » et du Kunst Werke (KW), centre d’art situé dans la partie Est de la ville (Mitte). Ceci avec l’idée et le désir de mettre en avant la Haus am Waldsee (Zehlendorf) et le trop peu visité mais pourtant exceptionnel Musée ethnographique de Dahlem – qui va déménager en 2019 dans le centre de la ville au sein du Humbloldt Forum.

La Haus am Waldsee est le point de départ suggéré de cette Biennale. Cette villa, originellement privée construite dans les années 1920 en bordure du lac Waldsee, était au temps du Mur un centre important du paysage artistique de Berlin-Ouest. Sa situation aujourd’hui périphèrique, au sud-ouest de la ville, offre néammoins un très bel espace d’exposition, notamment dans le parc qui l’entoure. On peut y voir les installations de six artistes (Slaves and Tatars, Mathieu Abonnenc Klyebe, Matts Leiderstam, Carla Zaccagnini…).

Slavs and Tatars, Ezan Çılgıŋŋŋŋŋları, 2014, Haus am Waldsee.
Slavs and Tatars, Ezan Çılgıŋŋŋŋŋları, 2014, Haus am Waldsee.

L’ensemble muséal de Dahlem regroupe trois musées : le musée ethnologique, le musée d’art asiatique et le musée des cultures européennes. Il est le site principal d’exposition de la Biennale, invitant le visiteur à un voyage… vers d’autres cultures. Les oeuvres de 28 artistes, originaires pour la plupart de régions qui étaient d’anciennes colonies européennes, y sont présentées. Bien qu’il n’existe pas d’interaction directe entre les collections permanentes et les œuvres exposées, l’agencement des salles d’expositions nourrit un dialogue autour des idées de cultures disparues et de cultures issues du monde globalisé.

Pourtant le visiteur est libre de butiner à sa guise et d’établir les parallèlismes qu’il souhaite entre critiques de la mondialisation, du post-colonialisme ou problématiques urbaines.

On découvrira entre autres, les pictogrammes de la Colombienne Beatriz González, l’installation monumentale réalisée à partir d’images satellites de Caroline Caycedos, le dialogue avec la représentation de la verité de Wolfgang Tillmans ou les oeuvres d’Olaf Nicolai réalisées pour un centre d’achat à Lichtenberg. L’artiste mexicaine Mariana Castillo Deball, lauréate du National Gallery Prize for Young Art 2013, s’interroge sur l’étude des vestiges du passé. Anri Sala, artiste albanais ayant représenté la France à la Biennale de Venise en 2013, présente quant à lui une installation vidéo, UNRAVEL, où les mains d’une DJ synchronise les enregistrements du compositeur français Maurice Ravel.

A l’étage, le voyage continue avec l’étrange herbier du Colombien Alberto Baraya, mélangeant des planches botaniques d’explorateurs du 18e et 19e siècle et des fleurs artificielles en plastique ou le travail autour de la construction de l’identité de l’artiste pakistanais Bani Abidi Karachi Series II. On a également beaucoup aimé l’installation saisissante de l’artiste allemand, Carsten Höller « 7,8 Hz ». Dans une pièce sombre, un système d’éclairage stroboscopique éclaire des vitrines d’antiquités pré-colombiennes en or, rendant leur examen impossible.
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Bani Abidi avec Karachi Series II (2014-).Alberto Baraya Expedition Berlin, Herbarium of Artificial Plants (2013).

La feuille de route de la Biennale de Berlin s’étend également au Kunst Werke, siège historique de la Biennale. On peut y voir notamment les oeuvres de Zachary Cahill, Irene Kopelman, Santu Mofokeng, David Zink Yi, Li Xiaofei, Leonor Antunes, Otobong Nkangas, Judy Radul, etc…).

Leonor Antunes, The last days in Chimalistac, 2013.
Leonor Antunes, The last days in Chimalistac, 2013.

Photo en vignette: Anri Sala, Unravel.

ASC.

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