Le retour des modernes au Musée Berggruen

Cette aile du musée est fermée pour travaux.

L’exposition « Picasso et son temps » a débuté le samedi 16 mars au Musée Berggruen, jusqu’ici fermé pour cause de travaux. On entre donc dans le bâtiment avec curiosité.

Le Stülerbau qui accueillait à lui seul les œuvres de la collection Berggruen, est désormais relié à la Kommandentenhaus par un passage vitré duquel on aperçoit le nouveau jardin, comme troisième espace d’exposition. L’on aperçoit d’en haut, derrière les vitres, elles dehors, nous dedans, deux immenses statues de Thomas Schütte, les pieds massifs solidement ancrés au sol de la cour.

Cependant, l’exposition de perd rien de son intimité. Picasso est séparé des autres peintres par un couloir de verre. Une manière d’insister sur l’autonomie de chaque artiste, trop facilement rangés dans la catégorie des expressionnistes. En effet, ne gagne-t-on pas à insister sur les particularités, à entrer dans les univers nuancés de chaque artiste plutôt que de les réduire à des points communs ? Tel est le pari de Berggruen, qui isole chaque artiste et expose les œuvres de chacun selon leur date de création, afin que l’on puisse suivre leurs évolutions. Ainsi, il ne contraint pas l’artiste à des catégories fixes, il les laisse se déployer librement, puisque le rythme est peut-être ce que l’artiste a de plus personnel.

Un arlequin triste ?

L’expo débute donc par les volte-face d’un style qui ne cesse de se réinventer, où se côtoient art abstrait et art figuratif. Difficile de synthétiser l’œuvre de Picasso, Berggruen en a donc montré le mouvement.

La première salle est une exposition temporaire, seul regroupement par thème du musée. On commence donc le parcours avec le monde bruyant, coloré et émouvant du cirque. Clowns, acrobates, ils sont représentés dans leur vie quotidienne, par un Picasso fasciné. L’Arlequin assis de 1905, la tête penchée, le regard dans le vide alentour, attire notre attention. Un arlequin triste ? Ce grand enfant illustre peut-être la solitude de l’artiste. L’objet peint ne disparait plus complètement dans la subjectivité d’un regard, comme chez les impressionnistes. Il résiste, trompe parfois.

Dans le deuxième bâtiment, les œuvres choisies de Giacometti, Matisse et Paul Klee, sont très significatives de cette rencontre particulière entre l’objet et l’art. Les quatre personnages en bronze de la place 2 de Giacometti, par leur positionnement dans l’espace expriment non ce que l’artiste voit mais ce qu’il ressent en voyant. La sauteuse de corde de Matisse, aérienne, est une abstraction pure, celle d’une harmonie et d’un juste équilibre péniblement conquis. L’énigmatique Drüber und Drunter de Klee, semble nous raconter dans un nouvel alphabet l’histoire d’une sensibilité quelque peu ironique.

Devant la mise en valeur de telles différences, on se demande si, bien au-delà d’accords sur de nouvelles règles d’art, le lien entre ces artistes n’est pas leur appartenance respective à des pays européens et le vécu des évènements traumatiques du 20e siècle. Cette appartenance commune ouvre un dialogue plus qu’un alignement, dont cette exposition témoigne avant tout. Un lien auquel Berggruen, exilé pendant des années aux Etats-Unis, a été particulièrement sensible et qui a certainement constitué le fil directeur de son activité de collectionneur.

B.S.-F.

Photo 1: Museum Berggruen Verbindungsgang, 2013© Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum Berggruen / hc-krass.de
Photo 2 :Museum Berggruenein Klee-Raum, 2013© Staatliche Museen zu Berlin, Nationalgalerie, Museum Berggruen / hc-krass.de

Laisser un commentaire