Vis ma vie d’Ossie

Berlin a fêté en novembre dernier les 25 ans de la chute du Mur. En 1989, plus qu’une frontière qui disparaissait, c’est une société entière qui se mettait en mouvement vers un nouveau départ. Mais cette histoire, vous me direz, tout le monde la connaît.
On s’interroge, en revanche, moins souvent sur ce qu’il se passait quotidiennement derrière le rideau de fer. On parle de la Stasi, du régime communiste et de sa propagande. Mais qu’en était-il des vies des 16 millions de monsieur et madame tout-le-monde ? Comment s’organisaient-ils ? Comment s’adaptaient-ils aux contraintes de la vie de tous les jours ? Quels étaient les rêves des enfants et ceux de leurs parents ?
L’exposition permanente « Alltag in der DDR » au Musée de la Kulturbrauerei, à Prenzlauer Berg, traite ce vaste sujet. Elle met en avant les différences entre propagande officielle et réalité vécue par les citoyens de l’époque, avec pas moins de 800 objets originaux, 200 documents et 18 heures de films réunis dans un espace de 600m², sur deux étages !
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Les thématiques du totalitarisme et de la propagande sont examinées dès la première salle. En effet, les enfants très jeune sont familiarisés avec l’idéologie communiste au travers d’activités adaptées. Puis suivent l’apprentissage des chants nationalistes à l’école et l’engagement communautaire hautement conseillé à l’adolescence – surtout avec la « Jeunesse libre allemande » qui organisait des activités culturelles et des voyages pour les 15-25 ans. À l’âge adulte, il faut constamment faire preuve de sens collectif dans son environnement professionnel, au rythme d’une perpétuelle propagande clamant les bienfaits du régime. Une bonne dose de poudre aux yeux pour cacher les conditions réelles, parfois loin d’être idéales, toujours sous le contrôle des institutions se délectant des dénonciations.

Dans la seconde salle, un authentique kiosque à journaux est mis en scène, rempli de magazines originaux de l’époque (tous ayant été contrôlés avant publication, bien sûr). En face, une petite supérette, avec d’anciennes boîtes de conserve et des aliments typiques. Des vidéos expliquent la façon dont s’organise le magasin ; les caissières y racontent qu’elles s’accordent des privilèges et effectuent des trocs de produits rares. Ailleurs, un petit bar, le « Zur Grünen Linde« , s’adapte aussi tant bien que mal aux pénuries alimentaires en changeant quotidiennement le menu. Les camarades aiment s’y retrouver car les « affaires » – comprenez « troc » – se font ici.

En continuant l’exposition, on découvre la mode de l’époque recommandée par le régime, puis une bibliothèque contenant une sélection de livres de Marx que le citoyen modèle se doit d’avoir lu. Plus loin repose fièrement l’objet « tant désiré » de tous : une Trabant vert fluo avec tente sur le toit, idéale pour partir en vacances. Seule voiture produite en DDR, le temps d’attente pour l’obtenir après commande oscillait entre 10 à 20 ans !
Enfin, une vitrine expose des lettres d’adolescents répondant à la question : « Que ferez-vous en 2010?« . Alors que les filles veulent devenir majoritairement secrétaires, les garçons, eux, se voient comme de bon travailleurs, mais il est intéressant de noter que tous souhaitent voyager.

2010, c’était il y a 5 ans, le monde a changé, la DDR n’existe plus, l’Allemagne s’est réunifiée… Une page s’est tournée pour en ouvrir une autre bien différente. Cette époque reste ancrée dans l’histoire, et la (re)découvrir permet de comprendre le pays autrement. « Alltag in der DDR » est une exposition dense, bien faite, ludique, étonnamment colorée mais surtout très détaillée. Elle a, de plus, l’avantage non négligeable d’être gratuite. N’hésitez donc pas à y faire un tour !

Photo vignette : 
© Stiftung Haus der Geschichte/Axel Thünker 

Raffaële Parietti 

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