La numérotation des rues à Berlin a-t-elle un sens ?

Tout juste à l’heure pour un rendez-vous dans le centre de Berlin, vous cherchez frénétiquement le numéro 41 de la rue dans laquelle vous vous trouvez. Arrivé au 38, vous soufflez, ralentissez, persuadé d’être pratiquement arrivé au bon endroit. 38…39…40… et – vous traversez – 81 ?! Impossible ! Vous revenez sur vos pas, convaincu d’une erreur. Après avoir tourné en rond, vous finissez par vous rendre à l’évidence : le n°41 ne se trouve pas sur ce trottoir et vous allez arriver en retard. Cinq minutes de panique plus tard, vous tombez enfin sur le bâtiment que vous cherchez, en face de là où vous étiez.
J’exagère, me direz-vous. Et bien figurez-vous qu’à peine ! Demandez à n’importe quel Berlinois, il vous le confirmera : le système de numérotation des rues de la capitale allemande représente un véritable casse-tête ! C’est pourquoi VivreÀBerlin a décidé de trouver une explication logique à cet imbroglio. Car il y en a une… et même deux ! Si se retrouver dans les rues de Berlin est aussi compliqué, c’est parce que les numéros ont été attribués selon deux principes bien distincts.

Explication n°1 : la numérotation en fer à cheval (Hufeisennummerierung)

Il faut remonter jusqu’en 1798 pour en connaître l’origine. À cette date, le préfet de police de Berlin Friedrich Philipp Eisenberg souhaite attribuer un nombre à chaque maison. La série débuterait au centre de la ville, c’est-à-dire au Berliner Stadtschloss (château de Berlin) avec le n°1, continuerait avec la Schlossplatz (place du château) au n°2, puis le Lustgarten au n°3 et s’achèverait à l’autre bout de la ville, à l’hôpital de la Charité avec le n°n. Le projet, controversé, n’aboutira pas. Au bout d’un an, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume III met fin aux critiques ; il promulgue un arrêté le 28 septembre 1799 où il édicte une numérotation continue des maisons qui sera propre à chaque voie. Ainsi, on commence du côté droit par la première maison de telle rue qui porte le numéro 1, la deuxième le numéro 2 et progressant ainsi de suite jusqu’à la fin de ladite rue. Arrivé au bout de la voie, il faut changer de trottoir et revenir sur ses pas du côté gauche pour que la série continue. Encore faut-il trouver l’intersection où commence et où s’arrête la rue… et sur quel trottoir se trouve le numéro recherché ! Comme dans un jeu d’orientation, des petits indices nous sont (parfois) fournis : les plaques indiquant le nom des rues disposent de flèches signalant le sens de numérotation de la rue en question. Elles mentionnent également les numéros présents dans le tronçon de rue.

 

Explication n°2 : la numérotation par orientation ou en zigzag

Dans les années 1920 se développent les plans de la loi du Grand Berlin (Gross-Berlin-Gesetz) qui étend la ville aux communes alentours ; l’appellation et la numérotation des rues en sont modifiées. Il en résulte, en 1929, l’entrée en vigueur des Principes du 15 janvier 1929 pour la numérotation des terrains (Grundsätze für die Nummerierung der Grundstücke vom 15. Januar 1929). Eh oui, à Berlin, on ne parle pas de la numérotation des maisons (Hausnummerierung) mais des terrains (Grundstücksnummerierung), car les terrains non construits ont autant le droit à leur numéro que les terrains construits ! Ceci afin de faciliter l’orientation, en particulier en cas d’intervention urgente. En vertu du paragraphe 2 alinéa 3 des nouvelles dispositions, les terrains doivent être numérotés de manière alternée : les chiffres pairs côté droit, les impairs côté gauche, dans un ordre croissant en partant du centre de la ville et en s’en éloignant. Cependant, les terrains n’ayant pas la même longueur, ce n’est pas parce que vous vous tenez au n°16 de la rue que vous lirez le 17 en face de vous !

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Évidemment, votre jeu de piste à travers Berlin aurait été moins drôle si le deuxième système avait remplacé le premier. La numérotation en fer à cheval et celle en zigzag sont donc toutes deux restées en vigueur.

Petit conseil pour la route : si vous ne connaissez pas l’endroit où vous devez vous rendre, demandez toujours le code postal en même temps que la rue et éventuellement la station de U-Bahn (métro) ou de S-Bahn (RER) la plus proche. Il n’est pas rare que le même nom de rue existe dans différents quartiers de Berlin ! On recense ainsi quelque cinq Bismarkstraβe, sept Kastanienallee, huit Berlinerstraβe, sept Schillerstraβe voire onze Lindenstraβe. Rien que ça !

Texte et photos : Alexia Robin

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