Masse, un autre genre de ballet.

Pour la deuxième fois le temple de la musique électronique berlinoise, le Berghain, et la célébre compagnie de danse classique du Stattsballett collaborent pour nous offrir une co-production dans un lieu très inhabituel, l’ancienne chaufferie d’une centrale électrique de l’ex-RDA.

Onze dates (à guichets fermés) pour un spectacle rare mélangeant sons flottants et mouvements dans un décor iréel, apocalyptique imaginé par le peintre Norbert Bisky.

Le Stattsballet qui a déjà colloboré avec le Berghain en 2007 avec la série Shut up and Dance! propose trois chorégraphies originales des danseurs Nadja Saidakova et Xenia Wiest et du chorégraphe Tim Plegge. Une trentaine de danseurs du Stattballett de Berlin sont mis en scène sur une musique crée par cinq DJ de renoms, Henrik Schwarz, Marcel Dettmann & Frank Wiedemann et DIN (Efdemin & Marcel Fengler), loin de la musique du « Lac des cygnes » et « Casse-Noisette ».

La salle haute de 25m est un véritable défi pour les danseurs. Les corps de couleur tentent de faire naitre une lumière dans cette grande halle désaffectée. De ce contraste jaillit une fragilité, celle de l’individu, pris dans la masse humaine des villes. La scène illuminée se détache et flotte de manière irréelle devant nous. La carcasse d’un bus au slogan Be Berlin évoque très concrètement une catastrophe. Trop de monde dans les villes, l’inéluctable destin de masse doit être cassé.
Pour cela il faut du vide. Un vide dans lequel résonne la musique. De bruits métalliques, inquiétants, nait une mélodie.

La première expérience chorégraphique est celle d’une solitude radicale. Celle du corps. Les pulsations musicales du début rythment la découverte d’inquiétantes possibilités. Dans la première partie, les rapports entre individus et groupe sont conflictuels, les mouvements sont saccadés. A la fin, les danseurs alignés, vêtus de leur habit de tous les jours, peinent à faire entendre leur voix. Les corps dessinent des images familières; l’évolution de l’homme, le feu, la matière. La masse est plurielle.

Et pourtant au milieu de cet anonymat de masse, une singularité est possible. Les danseurs déposent les masques et nous racontent leur histoire. Les couples sont très différents. Ils dansent et inventent nos sentiments. L’hésitation du premier contact, le lancé d’un dispute, les mouvements d’une crise. Le groupe se nourrit de cette énergie et lorsque les danseurs saluent le public, on reconnait leurs visages.

La musique du spectacle sera éditée par le label du Berghain Ostgut Ton. B.S.-F.

© Norbert Bisky / VG Bild-Kunst Bonn 2012

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