Sur la trace des Iroquois

Le Martin Gropius Bau ouvre ses portes jusqu’au 6 janvier à Auf den Spuren der Irokesen, une exposition qui retrace l’histoire des indiens iroquois à travers des pièces artisanales, des photographies et des installations artistiques. Cette rétrospective est le fruit d’un travail de collaboration entre le Canada, les Etats-Unis et l’Allemagne (grâce au travail de la commissaire d’exposition Sylvia Kasprycki).

Aussi connus que les Cheyennes ou les Sioux, les Iroquois constituent les représentants archétypaux de la tribu amérindienne. S’ils se sont ainsi démarqués, c’est tout d’abord grâce à leur rôle politique, sachant qu’ils prirent le commandement du regroupement des tribus du Nord-Est (aujourd’hui l’Etat de New-York, l’Ontario et le Québec) appelé «Les 6 Nations ». En raison de leur emplacement géographique, ils sont les premiers à entrer en contact avec les Hollandais, les Britanniques et les Français. Se révélant de farouches guerriers et des négociateurs hors-pairs, ils défendent encore aujourd’hui leur histoire et leurs traditions. Cette exposition propose de retracer le cheminement complexe des rapports entre les Iroquois et les colonisateurs occidentaux, rapports faits de conflits mais également d’échanges.

L’historienne Matilda Gage, pionnière du féminisme américain, relate ainsi dans  son ouvrage History of Woman Suffrage la place privilégiée accordée aux femmes par cette tribu. Au sein de la communauté iroquoise, les femmes prennent en charge le pouvoir local et économique, les hommes étant eux préposés à la chasse et aux relations avec le monde extérieur. Les Iroquois sont un peuple de cultivateurs produisant notamment du maïs, des courges et des haricots. Leur vie quotidienne s’organise à l’intérieur des « Longhouses », sortes de longères de bois où les familles d’un même lignage vivent regroupées sous la tutelle d’une femme souvent âgée et haut-placée dans la hiérarchie.

Une immersion dans la vie des Iroquois

Les premières salles de l’exposition nous font ainsi revivre le quotidien et le folklore des Iroquois, au travers d’artefacts, d’outils de chasse ou de guerre et de vêtements et tentures bariolées. Les salles suivantes nous rappellent la réputation sanglante des Iroquois, guerriers redoutés lors de ces longues années de combats fratricides entre les tribus du Nord-Est dont ils sortirent vainqueurs. Leur assise militaire fit d’eux les interlocuteurs privilégiés des colons et des conquérants européens. De nombreux échanges eurent alors lieu ; les Amérindiens apprennent à façonner le métal, les colons leur empruntent ce qui deviendra « la crosse » (sport populaire en Amérique du Nord). La tribu découvre également les boissons alcoolisées, appelées à faire des ravages dans ses rangs.

Ausstellungsansicht Foto: Jirka Jansch, 2013 © Kunst- und Ausstellungshalle der
Bundesrepublik Deutschland

Un autre aspect typique des colonisations, mis en relief par de nombreux documents et photographies,  est le rôle joué par les missions chrétiennes. Comme dans la plupart des cas, les colonisateurs apportèrent avec eux des maladies infectieuses inconnues des Amérindiens, ce qui eut pour conséquence de décimer une partie de la population. Ainsi, l’épidémie devient le signe d’une transcendance nouvelle et punitive qui pousse les tribus vers de nouvelles croyances. Mais cela se révéla un semi-échec avec les Iroquois. Si une partie d’entre eux se convertirent au dogme de l’Eglise anglicane, tous conservèrent néanmoins leurs rites et pratiques ancestrales, donnant ainsi vie à un multi-culturalisme qui n’a toujours pas disparu.

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Images pieuses à l’effigie d’indiennes christianisées

L’adaptation au monde moderne fut cependant douloureuse. La perte de pouvoir et d’influence, l’expropriation des terres bouleversèrent un mode de fonctionnement plurimillénaire. Dans les régions de Montréal et du Niagara, les Iroquois se tournent alors vers le tourisme, vendent des vanneries et des broderies artisanales, organisent des spectacles faits de danse et de chants traditionnels. A la fin du XIXe siècle, certains sont embauchés par les compagnies de sidérurgie canadiennes pour la construction du « Canadian Pacific Railway Bridge » qui enjambe le fleuve Saint-Laurent. Beaucoup d’entres eux s’occupent de la gestion des casinos, des bingos et des stations-service du Nord-Est, une page plus triste de la vie des Iroquois que l’exposition tient à souligner. Aujourd’hui encore et malgré un pan-indianisme galvanisé pendant les années 1970 et 1980, les terres de ces Amérindiens sont encore partiellement spoliées et aucune réparation financière ou symbolique n’est encore à l’ordre du jour.

AR.
Vittorio Güttner (1969–1937) Figur eines Irokesen 1928, Gips, Reproduktion von
Jan Ptassek, 2012 mit Ausstattung der Originalfigur Karl-May-Museum, Radebeul
Foto: Mark Brandenburgh, 2013 © Kunst-und Ausstellungshalle der Bundesrepublik
Deutschland

En vignette : Nordamerikaner Lithografie von J. Honegger (Compositing) Zürich 1840

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