Clémentine Margaine, 31 ans, est une mezzo-soprano originaire de Narbonne. Remarquée par Christoph Seuferle, le directeur du Deutsche Oper Berlin, elle s’installe en 2012 dans la capitale allemande afin d’y intégrer la prestigieuse maison d’opéra. Ses prestations dans Carmen, Hippolyte et Aricie ou plus récemment la Damnation de Faust y ont été saluées, tout comme la qualité de son chant. Des louanges qui sont autant de promesses et de prémices à une belle carrière internationale.
Aphone à l’examen du Conservatoire !
Issue d’une famille mélomane, Clémentine découvre le potentiel de sa voix relativement tard. Musicienne et choriste, elle a toujours aimé chanter mais ne commence sérieusement des cours de chant qu’en parallèle à ses études de droit. Son potentiel lyrique, c’est sa professeure, Anne-Marie Blanzat, qui le lui révèle à l’âge de 18 ans. Trois ans plus tard, elle se présente au Conservatoire de Paris dans des conditions rocambolesques puisqu’elle se rend à l’examen quasiment aphone, victime d’une pharyngite. Son audace paie et la voilà reçue au deuxième tour. « C’est ce jour-là que j’ai pris la décision de me consacrer uniquement à la musique », affirme-t-elle.
Elle entame alors quatre années d’apprentissage intense. Sa couleur de voix, plus sombre et chaude que celle des autres, laisse peu de doute sur le fait qu’elle est mezzo-soprano. Sa voix d’alors, naturelle, verte et bien placée a énormément évolué. « La voix est le questionnement de toute une vie ! On trouve des nouvelles possibilités avec le travail, la technique, le développement du corps », assure-t-elle.
Carmen – Dallas, Octobre 2013.
Le rôle de la princesse Clarisse et celui de Carmen
Si Clémentine s’épanouit dans son métier, c’est également grâce au jeu théâtral « indispensable, même s’il en est souvent la partie pauvre », regrette-t-elle. « Le jeu dramatique est nécessaire pour rentrer dans un personnage et aide à mieux chanter ». A cet égard, sa rencontre avec le metteur en scène Robert Carsen pour L’Amour des trois oranges de Prokofiev au Deutsche Oper reste un souvenir extraordinaire. Il la guide, l’écoute et la conseille dans la construction du personnage de la princesse Clarisse. « Ce rôle m’a beaucoup apporté ».
Carmen, son rôle porte-bonheur – il lui a ouvert de nombreuses maisons d’opéras – est lui aussi sujet à de nombreuses interprétations. « Mais dans chaque contrainte d’interprétation, on peut trouver une liberté », précise-t-elle. Cette saison, Clémentine Margaine a également campé le personnage de Marguerite dans la Damnation de Faust, « un rôle dense, le plus difficile que j’ai eu à chanter jusqu’à présent ».
« Une voix se construit, il y a une logique »
Fauts Verdamnis – Berlin, Février 2014.
« Il y a un ordre pour apprendre chaque geste. Le chanteur a une incidence sur la façon dont évolue sa voix en fonction des rôles qu’il travaille », rappelle celle qui a envie de diriger la sienne vers des rôles comme celui de la princesse Eboli dans Don Carlo de Verdi. Un rôle difficile qu’elle a déjà commencé à travailler, mais pour lequel elle n’est pas encore prête aujourd’hui. « On ne peut pas tout de suite aller à une difficulté extrême sans s’y être préparé, sinon on abime l’instrument. Une voix se construit, il y a une logique », soutient-elle, reconnaissant que cette position est quelquefois difficile à tenir face aux maisons d’opéras. « Mon but, c’est de durer, de chanter le plus longtemps possible. »
Sa « cuisine du chant », elle la travaille tous les jours car dit-elle, « il y a la technique et la peur, et certaines choses ne viennent qu’avec la confiance, et donc la répétition ». Sa rencontre avec Chantal Matias, professeure de chant, à la fin de son cursus au Conservatoire à Paris a également été déterminante pour qu’elle prenne le contrôle de sa voix, dont tant de gens avaient si peur en France.
Une puissance qui fait peur en France et fascine en Allemagne
En France, la puissante voix de Clémentine fait peur. A Berlin, elle fascine. Alors quand Christoph Seuferle, directeur du Deutsche Oper, l’invite à Berlin pour chanter le rôle-titre de Carmen, elle n’hésite pas une seconde car « Carmen est un rôle que l’on peut chanter jeune. Ce n’est pas arrogant d’y prétendre ». Aujourd’hui encore, Clémentine Margaine ressent un étonnant et frappant décalage entre la poursuite de sa carrière à l’international et son évolution en France. « Les gens ici savent en quelques notes détecter un potentiel et ont le courage de donner leur chance à de jeunes chanteurs ! »
Anne-Sophie Coulon
Photo en vignette © Agentur
Infos Pratiques
– Quelques mots pour décrire l’ambiance berlinoise ?
Ce qui me frappe à Berlin, c’est la proximité entre les gens et la musique. La musique est moins élitiste ici qu’en France. Se rendre à l’opéra ou à un concert est une activité partagée de tous ou presque. Je voudrais pouvoir me dédoubler pour ne louper aucun des concerts exceptionnels qui se jouent tous les soirs.
– Votre coup de cœur culturel du moment ?
L’exposition Picasso au Musée Berggruen et le Berliner Philharmoniker et son orchestre de musiciens engagés.
– Votre bar de quartier préféré ?
Le bar à cocktail Stagger Lee à Schöneberg (Nollendorfstr 27, 10777 Berlin)
– Votre brunch favori ?
Dans le jardin du café Einstein ou celui de la Literaturhaus
– Votre soirée idéale ?
Aller à l’opéra et finir chez Rosalti, l’italien d’en face qui connait tous les musiciens du Deutsche Oper
– Où avez-vous diné hier soir (ou cette semaine..) ?
Chez Lamazère
– Que faire un dimanche en famille ?
Me balader dans le Tiergarten et aller écouter un concert avec ma sœur pianiste.
– Des bons plans pour une virée shopping ?
Deco Arts dans Schöneberg
– Qu’est-ce que vous changeriez à Berlin ?
Le temps, je suis une fille du Sud…