Pour peu que vous vous intéressiez un minimum aux arts de la scène, vous avez sans aucun doute remarqué l’invasion des pages noires ayant remplacé les pages d’accueil habituelles de certains sites Internet. En effet, cette action coup de poing, symbole du mouvement de protestation pour le soutien des scènes indépendantes berlinoises, est suivi par un très grand nombre de structures culturelles – théâtres, salle de concerts, cinémas, compagnies… Un écran noir pour rappeler l’urgence, un symbole de l’aveuglement qui menace. Masquer, ne plus rien voir mais surtout ne plus donner à voir, voilà le risque que dénonce cette protestation face à la situation d’une scène artistique au bord de l’asphyxie.
Lancé en novembre 2012, le mouvement Berlin Freie Szene sonne l’alarme et appelle au changement d’une politique culturelle jugée à deux vitesses, baissant d’années en années les subventions accordées aux projets indépendants et renforçant d’autant plus l’écart avec les structures subventionnées. L’évolution du budget culturel de la ville de Berlin ces dernières années donne en ce qui concerne le soutien aux structures indépendantes plus d’une raison de s’inquiéter. Si, il y a dix ans, encore environ 10% des moyens disponibles l’étaient pour ce secteur, ce ne sont aujourd’hui avec 10 millions d’euros plus que 2,5%. (www.berlinvisit.org)
Elaborées autour d’une campagne en dix points, les revendications exprimées tournent essentiellement autour de l’augmentation des subventions dirigées vers les lieux d’accueil et de production, de l’augmentation des revenus moyens des artistes avec une demande de minima horaire, d’un soutien à l’ouverture culturelle des divers quartiers berlinois, ou encore d’un accès prioritaire à des lieux de travail pour les structures à but non lucratif, faisant ici écho à la politique de réaménagement urbain.
L’action du mouvement est plus que jamais liée à l’actualité politique et prendra fin le samedi 28 septembre, une semaine après le premier tour des élections. Durant cette dernière semaine seront organisées plusieurs manifestations : une Volksküche le lundi 23 septembre 20h au Theaterdiscounter, des débats le 24 et 25 septembre à l’Ufer Studio ainsi qu’à l’Akademie der Kunste et une manifestation de fin de campagne le samedi 28 septembre. Partant de Schlossplatz, cette Protest Party prendra la forme d’une marche vers Alexanderplatz soutenue par divers artistes et protagonistes de la scène artistique berlinoise. Le but de ces actions, vous l’aurez compris, est de faire bloc et ainsi sensibiliser non seulement les dirigeants politiques mais également l’opinion publique sur une situation économique problématique.
En se battant pour la survivance des activités artistiques indépendantes, ce mouvement se bat surtout pour sauver ce qui a fait et continue de faire l’identité de Berlin. Protester c’est vouloir soutenir et conserver ce qui a construit son histoire et lui a permis d’acquérir une renommée artistique internationale dont la ville est fière aujourd’hui. Pour la première fois, une coalition de la scène indépendante regroupant tous les arts et toutes les disciplines s’est formée pour attirer l’attention sur ce disfonctionnement éclatant qui met en danger le Berlin créatif tellement vanté et célébré au niveau international […] Les arts, dans leur diversité et leur cohabitation, font l’attractivité de Berlin et sont un facteur économique et touristique décisif […] Berlin se trouve à un carrefour. La culture jouera un rôle clé dans l’avenir de la ville. C’est pourquoi il nous faut un changement de politique culturelle. (www.berlinvisit.org). S.G