Berlin innove pour accueillir les réfugiés

L’ Allemagne enregistre à elle seule près d’un tiers des demandes d’asile à l’intérieur de l’Union européenne. Les chiffres sont sans équivoque : début 2015, les autorités allemande estimaient à 400 000 le nombre de demandes d’asile supplémentaires pour cette année et certaines sources officielles ont commencé cette semaine à parler d’un nombre compris entre 700 000 et 750 000. À titre de comparaison, l’année 1995 avait vu un total de 125 000 réfugiés arrivant, un nombre qui n’avait plus été atteint jusqu’en 2012. La chancelière Angela Merkel a appelé l’Union européenne à adopter une politique commune plus claire, largement inspirée du système allemand qui répartit au niveau national les demandeurs d’asile en fonction des capacités d’accueil des Länder : c’est la très discutée « politique des quotas » qui vise à mieux répartir les demandes d’asile entre les pays membres en vue de soulager des pays comme l’Italie et la Grèce. En effet, depuis la convention de Dublin, les réfugiés ne sont autorisés à demander le statut de demandeurs d’asile qu’uniquement dans le premier pays européen où ils sont arrivés.

L’une des dispositions que le gouvernement allemand voudrait voir établie au niveau européen est une limitation de l’octroi de statut de demandeurs d’asile aux seuls migrants venant de pays en conflit. Cette limitation du Safe State Act a été adoptée par l’Allemagne en 2014. Le but était de faire face à l’augmentation des réfugiés irakiens et syriens fuyant l’auto-proclamé État islamique, en privilégiant les demandes de ces migrants par rapport aux nationalités serbes, albanaises ou encore bosniaques qui représentent près d’un tiers du total des demandes d’asile en Allemagne. Selon le système de répartition allemand, le Land de Berlin est tenu d’accueillir un minimum d’un peu plus de 5% du total des demandes d’asile en Allemagne. Début 2015, on estimait à 17 400 le nombre de demandeurs d’asile à Berlin. Ce nombre est en constante augmentation, ce qui motive la municipalité à envisager des solutions d’hébergement d’urgence afin de désengorger les centres d’accueil déjà surpeuplés. À l’approche de l’hiver dernier, la municipalité de Berlin avait ainsi installé des containers de cargos réaménagés pour servir d’abris. Mais ces mesures ont peu de chance de se montrer suffisantes si on considère que la ville de Berlin devra accueillir au minimum le double de réfugiés qu’elle n’en accueille aujourd’hui avant la fin de l’année.

 

source : wikimedia commons 2013
Grève de la faim pour les réfugiés à Berlin en 2013 © Wikimedia Commons

Le manque de places d’hébergement disponibles n’est cependant pas la seule difficulté que rencontrent les pouvoirs publics. Si les quartiers de Kreuzberg et de Friedrichshain affichent une tolérance marquée pour les réfugiés, ce n’est pas le cas des quartiers de Marzahn et de Hellersdorf où les difficultés socio-économiques sont un terrain propice à l’implantation de groupes d’extrême-droite. Ainsi, depuis 2014, des groupes néo-nazis ont instrumentalisé les peurs de déclassement et de délinquance des habitants en organisant des manifestations hostiles à l’arrivée de familles de réfugiés au sein d’immeubles du quartier. C’est pourquoi le sénat de Berlin travaille avec le milieu associatif pour dissiper les peurs et établir un dialogue entre demandeurs d’asile et habitants.

Du côté des Berlinois eux-mêmes, les initiatives ne manquent pas. Le projet Give Something Back to Berlin propose de se faire rencontrer deux types de migration : les jeunes Européens emménageant à Berlin pour la vie nocturne et pour la scène start-up et les réfugiés fuyant les zones de conflits, en mettant en place des cours de langue, des repas communs et en invitant les migrants les plus aisés à s’investir dans des projets d’aide aux réfugiés. Dans ce même esprit, des étudiants berlinois ont récemment mis en place un projet soutenu par la municipalité proposant d’offrir les places vacantes à l’intérieur des colocations à des demandeurs d’asile. Le site « Refugees Welcome » a ainsi permis d’intégrer 108 réfugiés à travers toute l’Allemagne dans des colocations, le loyer pouvant être financé par des campagnes de financement participatif et même par des aides du Land de Berlin.

Texte : François Malgorn

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