Ungeheuer: « Terrible », est un adjectif qui correspond bien à Honoré Daumier, caricaturiste du 19ème siècle (1808-1879). Il n’a peur de personne, pas même du roi. Ce qui lui vaut d’ailleurs plusieurs mois de prison. Représenter le roi Louis-Philippe en Gargantua, le trône troué, la tête en poire, il fallait oser. Sur le dessin les honnêtes travailleurs du royaume se précipitent pour nourrir le roi, tandis que les notables assoiffés se ruent sur les décorations et brevets qui s’échappent du trône. Le message est assez clair.
Daumier, avec l’aide de Philipon , directeur des journaux républicains « La Caricature » et « Le Charivari », est de tous les combats. Fin observateur du monde urbain, il croque bien plus que le roi. L’éventail est large et s’adresse au plus grand nombre. Un orchestre qui s’endort pendant le spectacle, un avocat qui défend son client en l’humiliant, chacun a ses petits travers.
Le ton comme la technique varient chez Daumier. Si sa Pénélope rêveuse, non assidue, fait sourire, en revanche le dessin la Rue Transnonain n’a rien d’une caricature. Dans la chambre dépouillée, où gisent quatre cadavres, victimes d’une sanglante répression, « plane seulement le silence et la mort » (Baudelaire).
Cependant, si l’on regarde de plus près, dans les dessins de Daumier se cache l’artiste peintre. C’est cette fluidité du crayon, qui donne aux lithographies leurs lettres de noblesses. Ses caricatures ne se réduisent pas à un message, elles sont esthétiques. Les visages grimaçants de ses sculptures en bronze, expriment la profondeur des caractères. Le corps de ses personnages manifeste un mouvement, jusque dans le détail. Cette dynamique de l’expression se retrouve dans ses peintures, d’une grande modernité.
Si l’on a beaucoup parlé du caricaturiste, le peintre reste inconnu. Très discret de son vivant, Daumier n’exposait que très rarement, et refusait les commandes. Ses tableaux sont pour la plupart non datés. Ils sont donc livrés dans tout leur mystère. Et révèlent une autre facette de l’artiste. Les visages et les corps se fondent dans des questions d’une autre actualité, plus existentielle. L’Homme à la Corde sans début ni fin, cramponné, le visage tourné vers le haut ou vers le bas, semble nous dire la fragilité de la vie mais aussi sa grandeur. Daumier, à l’image de ses noctambules, est également un grand rêveur.
Ainsi l’exposition « Daumier ist ungeheuer », nous présente l’artiste, également graveur, sculpteur, dessinateur et peintre. Le classement par thème des œuvres est sans prétention, une manière de montrer l’arbitraire d’une telle démarche. A trop vouloir ranger son œuvre, on en manque le mouvement. L’alternance des techniques, la déclinaison des thèmes, autant de va- et -vient qui dessinent pour nous les contours d’un regard, d’une étonnante actualité. B.S.-F.
Honoré Daumier – Gargantua, 1831, Lithografie, PrivatsammlungFoto: Rudolf Wakonigg
Honoré Daumier – Mann am Seil (L’homme à la corde),um 1858/60, Öl auf Leinwand, 110,5 x 72,3 cm Museum of Fine Arts, Boston
Infos Pratiques
Max Liebermann Haus
Stiftung Brandenburger Tor
JUSQU'AU 2 JUIN 2013
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8 €
Réduit : 6 €