Die kleinen Füchse : ennui à la Schaubühne

La Schaubühne présente depuis la saison dernière Die kleinen Füchse (« Les petits renards »), une création du metteur en scène Thomas Ostermeier. Cette œuvre est adaptée de celle de l’écrivain américaine Lillian Hellman, écrite en 1939 et portée à l’écran en 1941 par William Wyler avec Bette Davis dans le rôle principal. La très libre traduction francophone du titre du film – « La Vipère » – néglige le caractère pluriel de la fourberie pour se concentrer sur la seule laideur morale de l’épouse infâme…

Die kleinen Füchse – The Little Foxes  ©  Photo: Arno Declair

Regina est la femme d’un riche banquier malade et absent. Avec ses frères Ben et Oscar – deux entrepreneurs sans scrupules – elle souhaite investir dans une juteuse affaire en partenariat avec l’habile et distingué William Marshall. Mais c’est le capital de son mari qui doit être engagé et il s’agit pour les trois complices d’imaginer des solutions – souvent en se tirant dans les pattes – pour réussir cette affaire pressante…


Die kleinen Füchse – The Little Foxes  ©  Photo: Arno Declair

Autant le dire d’emblée : l’intrigue n’est en soi pas très excitante et la peinture des mœurs qui s’échafaude ne l’est pas davantage. Que fait Ostermeier ? Il nous montre pendant plus de deux heures des personnages relativement plats enchaîner les coups bas sur scène. Calculateurs vils et mesquins, ils flattent et s’échangent des politesses sans saveur. L’élégance n’est que de façade ; l’argent est roi et une raison suffisante pour s’autoriser toutes les perfidies – on trompe, on vole, on laisse mourir en son nom. Rien de vraiment bien nouveau sous le soleil capitaliste…

Quitte à voir des individus si inintéressants évoluer sur scène, on s’attend au moins à assister à des moments de bravades, à trembler devant des brutales collisions de personnalités ou à se faire les témoins de « pétages de plomb » mémorables. Ou si cela ne se peut parmi les napperons soyeux, qu’au moins jaillisse un terrifiant machiavélisme, une excentricité poétique ou un humour joyeux. Mais non : rien de tout cela ne viendra. Le cuistot a oublié le sel en cuisine et on doit manger le plat tel quel.

La pièce se laisse regarder sans accroc – les acteurs sont plutôt bons – mais il n’y a aucune saillie. Ni dans la forme. Ni dans le fond. On montre l’ennui et cela s’avère ennuyeux : quelle surprise ! Molière et La Bruyère avaient le bon goût de s’en moquer avec brio, François Ozon dans son film « Huit femmes » tirait d’un scénario plus ou moins similaire – disparition d’un patriarche fortuné et dispute autour de l’héritage – un récit bien plus envolé et haut en couleurs. Non vraiment, on se dit qu’un délicieux caricaturiste aurait épinglé plus vite et mieux. Et qu’écouter « Ces gens-là » de Jacques Brel s’avère une bien plus agréable médecine pour s’immuniser contre la médiocrité sociale et l’esprit de lucre que de regarder se chaparder ces renards-là…

Nicolas Donner

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