Entrez dans l’univers fantastique de Bob Wilson !

© Lesley Leslie-Spinks

Le metteur en scène et plasticien américain, maître incontesté du théâtre d’images, n’est plus à présenter tant son œuvre, mélange entre théâtre, danse, musique, travail de la lumière et arts plastiques, a révolutionné la scène théâtrale depuis les années soixante-dix. L’épuration de la scène soutenue par des scénographies abstraites et rigoureusement géométriques, ainsi que les personnages aux visages blafards et maquillages noirs, largement inspirés des figures de l’expressionnisme allemand, sont les caractéristiques de l’esthétique wilsonnienne, stylisée et onirique, désormais reconnaissable entre toutes. Ces univers d’irréalité permettent une formidable ouverture sur l’imaginaire, la beauté plastique tendant même jusqu’à la contemplation esthétique.

Le Berliner Ensemble joue Lulu, spectacle ayant fait l’unanimité de la critique lors de sa création en 2011. Incarnation sensuelle du fruit défendu, femme fatale existant à travers le désir des autres, Lulu joue de son pouvoir de séduction jusqu’à payer de sa vie cette beauté trop violente et déchaînant, irrémédiablement, les passions autour d’elle. Écrit en 1894 par Frank Wedekind, sous le titre La boîte de Pandore, une tragédie monstre, ce texte fit scandale par ses aspects jugés pornographiques et profondément amoraux. De ce titre, Bob Wilson ne garde que Lulu et sublime le monstrueux en perfection esthétique. L’interprétation irréaliste dépasse toute temporalité et permet alors de toucher au fondamental du texte. Dans une mise en scène expressionniste et froide – une gamme chromatique oscillant majoritairement entre le blanc et le noir, vision manichéenne d’un monde, bien loin de toute dimension sensuelle – les comédiens du Berliner Ensemble nous donnent à voir toute l’horreur de l’égoïsme et de la manipulation. La musique de Lou Reed souligne alors la mélancolie et la rage qui peut être contenue. S.G.

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