Stéphane Bauer, directeur de la Kunstraum à Kreuzberg

Sortie Kottbusser Tor au cœur de Kreuzberg direction la Bethanien. Nous allons rencontrer Stéphane Bauer qui pilote depuis 2002 l’espace culturel (Kunstraum) du Bethanien à Kreuzberg. Aux murs des affiches d’anciens projets: « Die Tödliche Doris », « When love turns to poison », « Produktivitat undo Existenz.. Die Beute ». Stephane Baeur rentre et me salue. Il a l’air frais et vif de ceux qui prennent leur vélo tous les matins pour partir au travail. Les questions s’impatientent:

Pouvez-vous nous raconter brièvement votre parcours jusque là ?
Je suis né à Paris, plus précisément à Neuilly, d’un père allemand et d’une mère française. Vers mes 18 ans, j’ai décidé d’étudier la sociologie, les sciences politiques, parce que j’avais envie d’avoir le choix le plus large de métiers possibles. J’étais déjà très impliqué dans l’engagement politique. A 11 ans, je suis venu en Allemagne car mon père commençait un travail à Bonn. Je suis rentré à l’école de l’Ambassade française, ce qui a été pour moi une expérience très intéressante parce qu’internationale. J’avais comme copains le fils du chauffeur de l’ambassadeur du Canada ou le fils du deuxième ou du troisième homme de la Côte d’Ivoire ou du Liban, la fille de l’Ambassadeur de Tunisie…

Cette idée de mélanger les questions politiques et sociales à des projets artistiques, ca vient de vous ou c’était déjà présent dans la politique artistique du Bethanien ?
Oui, le Kunstraum mélange les questions politiques et sociales à ses projets artistiques. En tant que directeur, je supervise les budgets, élabore les projets pour les demandes de fonds et leur mise en place. Cela m’oblige à une vraie coopération avec des curateurs free-lance et les artistes.
Dans cette maison, nous sommes confrontés à une structure assez unique en Allemagne puisque l’administratif et le culturel sont intimement liés, ce qui n’est pas toujours le cas dans les autres villes allemandes où la plupart des administrations culturelles délivrent un budget mais ne sont pas en charge de la programmation.
Et puis, Kreuzberg est un endroit spécial. Cela a toujours été un laboratoire social et politique. Depuis le début des années 70, le Bethanien cherche à concilier les projets urbains et la vie des habitants du quartier. A l’époque, on avait lancé l’idée de tables rondes autour desquelles se réunissaient squatteurs (il y avait 140 squats à Kreuzberg pour 260 dans la ville!), administrateurs politiques de l’arrondissement, et membres des services sociaux. Cela a permis de créer une base historique de conciliation et de débats entre le politique, l’économique, le social et le culturel.

Qu’est-ce qui motivent les orientations artistiques de vos projets?
Nous jouons le rôle des galeries communales à la différence des galeries privées. Nous exposons 100 artistes en moyenne par an. L’art pour nous est un moyen de communication, de représentation des minorités. Nous cherchons à ouvrir de nouvelles voies et créer des points de rencontre. Nous ne cherchons pas à créer des « projets-idées », mais plutôt créer des points de rencontre avec les structures sociales existantes dans la ville. Par exemple, en ce moment, nous travaillons à une expo sur le langage des signes, on a donc fait appel à toutes les associations des malentendants pour avoir une approche de terrain.

L’ambiance berlinoise ?
Je suis heureux que le mur soit tombé. Cela a véritablement ouvert et dynamisé la ville sur le plan culturel. Avant la chute du mur, Berlin-Ouest était une ville super subventionnée, il y avait une atmosphère très punk qui attirait tous ceux qui voulaient fuir le service militaire, mais ça restait une île. Et même si j’en ai profité à l’époque, je suis content de voir que Berlin s’internationalise. Maintenant nous sommes confrontés aux nouvelles problématiques d’une capitale.
Nous avons aussi plusieurs centres, et j’adore changer de quartier comme on change de monde. C’est aussi une ville verte et j’adore y faire de la voile en été. La qualité de vie ici est magnifique, il faut préserver tout ça.

Votre coup de cœur culturel du moment à Berlin ?
Le Kunstraum (rires)!

Votre lieu favori à Berlin ?
J’habite à la frontière de Schöneberg et Kreuzberg, et chaque matin je prends mon vélo pour venir au boulot. J’adore le château enchanté et hanté qu’est pour moi le Bethanien.

Votre bar de quartier préféré ?
Le Kumpelnest 3000 à Schöneberg ouvert depuis 1987. Le bar est au départ un projet artistique créé pour un Master à la UDK. Il attire une population très hétéroclite et réunit autant des punks que des ministres ou des sénateurs.

Votre soirée idéale ?
Aller à un vernissage puis m’arrêter au West Germany (Skalitzer Str. 133) ou au Paloma Bar (Skalitzer Str. 135).

Un secret sur Berlin ?
Le West Germany à Kreuzberg. C’est vraiment un lieu intéressant, déjà par sa déco très spéciale. C’est un ancien cabinet médical, qui a été laissé tel quel. Le lieu fonctionne comme dans les années 90: on ne sait jamais quand ça ouvre, le programme n’est pas dans un guide, il n’y a pas de pancartes ! Il faut donc connaître le lieu et la porte.

Votre librairie préférée ?
Dante Connection et Zadig pour les livres français.

Une virée hors de Berlin ?
Faire de la voile sur le Wannsee jusqu’à Potsdam.

Qu’est-ce que vous changeriez à Berlin ?
Je voudrais que les loyers arrêtent d’augmenter.

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