Le Sputnik-Kino, un cinéma singulier

Le Sputnik-Kino se mérite. Il vous faudra rentrer dans deux cours intérieures et gravir pas moins de cinq étages, pour accéder à ce cinéma indépendant situé dans le quartier de Kreuzberg. Mais le spectacle en vaut la peine! Après avoir traversé un long couloir à l’ambiance feutrée, vous voilà arrivés au Kinobar. Trois balcons encadrent un espace convivial occupé par un bar, de confortables fauteuils et un grand mur blanc pour des projections occasionnelles.

Libre à vous de vous installer et de profiter de la vue imprenable sur les toits de Kreuzberg en sirotant une bière. Bien entendu, vous pouvez également jeter un œil à la programmation et vous diriger vers l’une des deux salles attenantes pour voir un film. Là encore, le Sputnik-Kino surprend. Dans la première salle, les habituelles rangées de fauteuils laissent place à des bancs en brique bien espacés, surmontés de coussins laissant le choix entre des places individuelles et des banquettes pour deux personnes. La deuxième salle, plus petite, offre quant à elle un ensemble hétéroclite de fauteuils et canapés tous plus confortables les uns que les autres.

Andrea Stosiek, gérante du Sputnik-Kino a bien voulu répondre à nos questions et nous en dire plus sur ce lieu atypique. Rencontre.

Quelle est l’histoire de ce lieu ?
C’est une longue histoire ! Nous célébrons cette année notre 25ème anniversaire. D’ailleurs vous êtes ici
dans le deuxième Sputnik.
Le premier Sputnik était un lieu culturel très célèbre dans le quartier de Wedding, fondé, comme celui-ci par le Sputnik-Kollektiv dans les années 70. De nombreux événements culturels y étaient organisés, tels que la semaine du cinéma gay et lesbien ou encore le premier concert du groupe Sonic Youth à Berlin. Le collectif était un groupe de gens très enthousiastes, promouvant le cinéma alors que le mur était encore debout.
Mais à cause de cette situation, notre audience devait faire de longs trajets pour profiter du Sputnik. C’est pourquoi le collectif a décidé d’ouvrir un cinéma à Kreuzberg, au début des années 80. Le lieu était alors à l’abandon et ils ont tout simplement décider de le squatter.
Certains membres du collectif vivaient sur place, d’autres ne faisaient que passer pour donner un coup de main. Cela leur a pris beaucoup de temps avant d’ouvrir ce cinéma, qu’ils ont eux-mêmes construit. D’où les banquettes en brique que vous trouvez dans la première salle! A l’époque, il était impossible de trouver des sièges de cinéma à Berlin. N’ayant pas suffisamment d’argent pour  en importer depuis l’Allemagne de l’Ouest, ils ont alors utilisé les matériaux disponibles sur place.

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Vous étiez membre du Sputnik-Kollektiv ?
Il n’y a plus de membres du collectif d’origine. Mais il y avait des noms célèbres comme Stefan Arndt, qui a créé plus tard la société de production X-Filme (“Good Bye Lenin”). Il vivait sur place d’ailleurs. D’autres ont ouvert des cinémas un peu partout en Allemagne, mais je ne saurais pas vous dire combien de personnes composaient le Sputnik-Kollektiv.
Pour ma part, je gère le cinéma depuis avril 2008. J’y travaillais déjà comme projectionniste.


Comment choisissez-vous les films à programmer ?

C’est un savant mélange! Avant tout, je ne pourrais pas programmer un film que je n’ai pas aimé. Par exemple, je ne programme pas de films “pop-corns”. Je n’ai rien contre les blockbusters en soit, certains sont d’ailleurs très bons, mais ça ne doit pas seulement être des blockbusters, il doit y avoir quelque chose en plus.
Je suis très attirée par les documentaires. Ainsi, nous avons chaque semaine au moins un documentaire programmé au Sputnik Kino. Je soutiens également le jeune cinéma indépendant européen. C’est pourquoi nous montrons beaucoup de films qui n’ont pas de distributeur.
Mais à côté de cela, nous ne pouvons pas vivre, payer un loyer avec ce type de projection. Je choisis donc toujours des films qui me permettent de rentrer de l’argent. Nous avons finalement un programme assez classique de cinéma indépendant à Berlin: on montre des films de Woody Allen ou encore de Pedro Almodovar. En ce moment, nous avons à l’affiche The Company You Keep de Robert Redford.

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Programmez-vous souvent des films français ?
Quand il y en a, oui bien sûr. Le dernier que nous avons programmé est Paulette.

Quel public vient au Sputnik-Kino ?
Le public est très différent selon les événements que nous organisons. Par exemple, pour les Open Screenings c’est un public très international vivant principalement à Kreuzkölln.
On a aussi les Kinderfilm des Monats. Donc, une fois par mois, le cinéma est envahi par une centaine d’enfants qui courent un peu partout dans le cinéma! (rires). Après pour le reste, on n’organise pas d’avant-première. Du coup, les cinéphiles vont d’abord dans d’autres cinémas à Berlin. C’est seulement quand ils ont raté la première semaine qu’ils viennent chez nous! (rires)
Mais bien sûr, après 25 ans d’existence, nous avons aussi notre propre public, qui a grandi et vieilli avec le
Sputnik. Mais je pense que c’est un peu la même situation pour tous les cinémas indépendants à Berlin: leur principale audience, ce sont des gens entre 40 et 60 ans, plutôt avec un bon niveau d’éducation et qui ont un peu plus d’argent que la moyenne, principalement des femmes. Les jeunes entre 15 et 30 ans par contre ne vont plus très souvent au cinéma. Ils préfèrent passer par Internet et le streaming que venir payer une place de cinéma.
De manière plus générale, je ne pense pas qu’aujourd’hui les gens aillent au cinéma pour voir un film en particulier. Ils se disent “tiens, il pleut. j’ai bien envie d’aller quelque part, pourquoi pas aller au cinéma?” Puis ils regardent les horaires et pensent “ok, à 17h il y a plusieurs films, bon j’en choisis un et j’y vais!” L.R.

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