Victoria : plus qu’un film, une expérience !

@dpa

Sorti le 1er juillet, le quatrième long-métrage de Sebastian Schipper (Cours, Lola, cours) est un de ces chefs-d’œuvre du cinéma qui « renversera le monde » selon le cinéaste Darren Aronofsky (Requiem for a Dream, Black Swan).  La tournure peut paraître extrême, et pourtant on ne peut pas être totalement en désaccord.

Victoria, c’est l’histoire d’une jeune Espagnole du même nom (Laia Costa) pleine d’insouciance et de soif de vie. Recherchant sensations fortes et vertiges, elle vient tout juste d’arriver à Berlin et travaille dans un café. À la sortie d’une boîte de nuit, Victoria rencontre Sonne (Frederick Lau, La Vague) et ses amis. Une sorte d’alchimie semble se créer entre les deux mais la bande n’a pas de temps à perdre et, après un coup de fil bien étrange, Victoria se retrouve être la chauffeuse de cette curieuse équipe, sans trop savoir où cela va mener. D’un film sur la frénésie juvénile mêlée à la peur du lendemain, on passe rapidement à un thriller d’une intensité étourdissante.

Cette intensité, elle se concrétise par un film tourné caméra à l’épaule en un seul plan séquence de 2h14 ! Cette prouesse technique nous fait alors ressentir chaque seconde que les personnages vivent. Chaque instant, chaque marche d’escalier, chaque expression du visage, chaque coup de vent dans les cheveux de Victoria est filmé et vécu par les spectateurs. Certes, filmer un long-métrage en un seul plan continu n’est pas une exclusivité (cela a déjà été le cas avec L’Arche Russe d’Alexandre Soroukov), mais Schipper a clairement poussé les murs de notre imaginaire cinématographique en faisant de ces 2h14 ininterrompues un concentré d’émotions et d’action.

Avec un script de 12 pages seulement, c’est à la manière d’un coach sportif plus que de réalisateur que Schipper a mené son équipe. Avec un film tourné en seulement trois jours, soit trois prises, il a octroyé une très grande liberté à ses acteurs. La prouesse technique laisse donc place à la prouesse des acteurs qui se sont laissé prendre au jeu de l’improvisation. Et même si vous ne parlez pas allemand, comme Victoria, n’ayez pas peur de visionner le film dans sa version originale, c’est-à-dire à la fois en anglais et en allemand ! De la sorte, vous vous sentirez encore plus proches de ce que Victoria ressent lorsqu’elle se retrouve au milieu des (rares) conversations exclusivement dans la langue germanique.

Réaliser un film dans un espace-temps aussi court que 2h14 a nécessité un lieu de tournage très concentré. Du café Wilhelm & Medné (Hedemannstr. 14) au très luxueux Hotel Westin Grand (Friedrichst. 158), seule une distance de 1,4 kilomètre les sépare ! C’est donc au sud de Kreuzberg, non loin du Musée juif, que l’on peut essayer de retrouver l’atmosphère de la folle aventure de Victoria et de ses peu fréquentables amis.

Et quand, une fois le film fini, la salle de cinéma se rallume, on y voit des  spectateurs éreintés, comme s’ils avaient plongé en apnée 2h14 durant, et n’avaient pu reprendre leur respiration qu’au générique de fin. Victoria, c’est ça, un saut dans le grand vide !

Plus qu’un film, Victoria est donc une véritable expérience de cinéma, qui a valu à Sebastian Schipper et à son équipe d’être récompensés à la  Berlinale et au Deutscher Filmpreis.

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Gaëlle Masson