Mémorial de Hohenschönhausen : la prison de la Stasi

Couloir des cellules dans la cave de la Prison de la Stasi à Berlin
Couloir des cellules dans les caves de la prison de la Stasi à Berlin © Gedenkstätte Berlin-Hohenschönhausen/Gvoon

La Gedenkstätte Berlin Hohenschönhausen, la prison de la Stasi, attire de plus en plus de visiteurs chaque année. Perdue à l’est de Berlin, l’ancien centre de détention, transformé en mémorial en 1994, plonge les visiteurs dans l’enfer de la dictature communiste.

En effet, le Ministerium für Staatssicherheit (MfS ou plus communément dénommé « Stasi ») disposait de 17 prisons dans l’ex-République démocratique d’Allemagne (RDA). Et l’une d’elle se trouve à Berlin, à vingt kilomètres d’Alexanderplatz. Ce centre de détention permet de découvrir un autre Berlin, une visite haletante en dehors des sentiers battus de la capitale.

« Leur seul point commun est d’être des opposants politiques aux Soviétiques »

La visite de ce musée plonge le visiteur dans 45 ans d’histoire carcérale. A l’origine, les bâtiments ne sont qu’une cantine, convertie en « Camp Spécial n°3 » par les troupes soviétiques. Les sous-sols de l’ancienne cantine sont réaménagés en cellules minuscules où s’entassent en moyenne cinq personnes. « D’anciens nazis étaient enfermés avec des socio-démocrates, des trotskystes, des journalistes, des professeurs et des libéraux », explique Kristin Kallweit, l’une des guides de la prison. « La seule chose qu’ils ont en commun est d’être considéré comme des opposants politiques aux Soviétiques ». Dans ces cellules froides et humides, pas de fenêtres, pas de toilettes. Les prisonniers surnomment le lieu le « U-Boot », le sous-marin. Ils vivent dans des conditions effroyables. Choléra, typhus et tuberculose, sont avec la torture, leur quotidien. Le plus jeune d’entre eux avait treize ans.

Aucune lumière ne pénètre dans les quelques mètres carrés cachés dans un sous-sol froid et humide. Tout autour, du caoutchouc épais et noir, sur le sol, sur les murs, sur la porte. Cette pièce effrayante, d’où l’on ressort avec un malaise certain et un sentiment d’oppression se nomme la « Gummi-Dunkelzelle ». Des cellules en caoutchouc comme celle-ci, il y en a des dizaines dans les sous-sols de la Gedenkstätte.

« La Stasi nommait cette technique la dissolution de l’âme »

Le camp ferme dès 1946 mais la Stasi se réapproprie les lieux en 1951 pour créer sa prison politique. Elle était « suffisamment proche du centre pour pouvoir enlever les suspects et suffisamment loin pour que l’endroit soit gardé secret », précise Kristin Kallweit. On y apprend comment les opposants politiques étaient kidnappés et enfermés dans des cellules minuscules à l’intérieur de camionnettes banalisées, estampillées « poisson frais » ou « marchand de glace ».

De l’extérieur, ces bâtiments ne ressemblent qu’à de simples bureaux. Seuls les miradors aux extrémités de la cour et les barbelés rappellent que l’on se trouve dans une prison. L’odeur qui y règne en y entrant aide à se projeter au temps de la dictature communiste.

La torture physique n’était en ce temps-là plus appliquée. Cependant, la violence psychologique infligée aux détenus était d’une brutalité sans nom. « La plupart des détenus ont développé le syndrome de Stockholm et se sont liés à leur interrogateur. On l’aimait et on le détestait à la fois. Il pouvait décider de tout. Mais c’était aussi le seul contact humain des prisonniers », raconte Kirstin Kallweit. Les prisonniers étaient en effet plongés dans une solitude extrême et n’avaient aucun contact, ni entre eux, ni avec le monde extérieur. « La Stasi nommait cette technique la dissolution de l’âme. Ceux qui devenaient agressifs étaient transférés pour quelques temps dans l’une des Gummi-Dunkelzelle », ajoute-t-elle.

La prison est restée secrète jusqu’à la chute du mur et à la réunification de l’Allemagne. Un périmètre de sécurité avait, en effet, été instauré sur plusieurs kilomètres autour du centre carcéral pour éviter que les citoyens trop curieux ne s’y aventurent. Seuls des employés de la Stasi y vivaient, et nombreux sont ceux qui y vivent encore. « Bien entendu, ils ne sont pas fans du mémorial », lâche Kristin Kallweit. « Certains viennent même lors des visites, notamment celles menées par d’anciens prisonniers, pour contester les explications

Astrid Ribois-Verlinde

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