La Kaiser-Wilhelm-Gedächtniskirche, église du Souvenir

Église du souvenir, Berlin
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Église du Souvenir,  dent creuse… la Kaiser-Wilhelm-Gedächtniskirche a été érigée en 1891 en hommage au premier empereur allemand, Guillaume 1er, à la demande de son petit fils l’empereur Guillaume II. Monument incontournable de Berlin, elle est désormais un mémorial pour la paix et la réconciliation.

D’une église pour commémorer un grand empereur…

C’était initialement un ouvrage néo-roman monumental avec ses 5 flèches dont la plus grande culminait à 113 mètres, réduite à 71 mètres de nos jours. À l’intérieur, de magnifiques mosaïques commémoraient la vie de Guillaume 1er notamment la bataille de Sedan dont il était sorti vainqueur face aux troupes françaises. Une partie de ces mosaïques est toujours visible dans le vestibule de l’église, seule partie encore debout. Les 5 cloches qui, parait-il, faisaient hurler les loups du zoo voisin lorsqu’on les faisait sonner, avaient été initialement réalisées avec le bronze des fusils pris aux troupes françaises.  Elles retournèrent à l’état d’armes de guerre pendant la Seconde Guerre mondiale. Pour la petite anecdote, la mélodie jouée par les cloches a était composée par le prince Louis Ferdinand de Prusse, petit-fils de l’empereur Guillaume II, et peut toujours être entendue toutes les heures.

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Bombardée en 1943 par les troupes britanniques, l’église subit de lourds dommages. Il fut décidé après la guerre de ne pas la reconstruire. Les parties les plus dangereuses furent détruites et seul le clocher fut consolidé mais gardé en l’état, pour se rappeler les horreurs de la guerre. Pour que le site reste cependant un lieu de culte, l’église de l’Empereur est depuis le début des années 60 accompagnée de trois nouveaux monuments.

L’ancienne entrée de l’église a été convertie en une salle de commémoration des destructions liées à la Seconde Guerre mondiale. En symbole de réconciliation, l’église abrite une croix formée avec des clous de la charpente de la cathédrale anglaise de Coventry, détruite par des raids aériens allemands en 1940 et également délibérément conservée en ruine.

… à un nouveau site hautement symbolique

La nouvelle église, un clocher de 53 mètres de haut et une petite chapelle construite sur les ruines de la nef de la Kaiser Wilhelm Kirche constituent avec le clocher de l’ancienne église un nouvel ensemble plutôt hétéroclite. L’harmonie de ces nouveaux éléments se retrouve dans une architecture commune, typique du Berlin des années 60, tous trois étant constitués de bloc de béton préfabriqués, ajourés en nid d’abeilles et parés de vitraux qui le soir venu reflètent une jolie lumière bleue. Ces vitraux ont été réalisés par le maitre-verrier français Gabriel Loire.

Pousser la double porte de la nouvelle église, c’est faire une petite incursion dans une bulle bleue. En effet, une spécificité de l’église est sa double coque de béton qui permet d’absorber les bruits de circulation alentour. Et l’intérieur vaut bien un petit détour. Un grand Christ ressuscité en tombac, un alliage riche en cuivre, lévite au dessus de l’autel, devant les vitraux bleus.

© Aude Morin-Veyret

Vous pourrez également réfléchir devant la madone de Stalingrad. Cette vierge d’inspiration orthodoxe a été dessinée le soir de Noël 1942 sur le front de la bataille de Stalingrad. Elle est l’oeuvre de Kurt Reuber, pasteur et médecin de la Wehrmacht, farouchement opposé au régime nazi. Alors que l’armée allemande est encerclée par les troupes soviétiques, Reuber dessine au fusain cette Marie russe au dos d’une carte militaire. Elle sera le seul décor d’une petite messe de Noël improvisée pour les soldats. Si Reuber a ensuite été fait prisonnier et tué dans un camp soviétique, sa madone, elle, a été ramenée en Allemagne. Cette vierge protégeant l’enfant Jésus sous son voile est devenue un symbole des atrocités de la guerre, de ses souffrances et de ses morts. Des copies sont exposées dans la cathédrale de Coventry et dans l’église orthodoxe russe de Volgograd (Stalingrad) en signe de réconciliation des anciens peuples ennemis.

À l’extérieur de l’église, sur le parvis nord, se trouve un nouveau mémorial, le Goldener Riss, littéralement la fissure dorée, commémorant un récent épisode douloureux de la ville. Cette coulée d’or de 15 mètres de long qui avance sur le sol de la Breitscheidplatz rend hommage aux victimes de l’attentat du 19 décembre 2016. On peut lire sur les marches « Pour une coexistence pacifique de toutes les personnes » ainsi que le nom de ceux qui ont perdu la vie alors qu’ils profitaient du marché de Noël.

L’église du Souvenir est un endroit fort de Berlin et – même si elle n’est pas spécialement jolie – vaut la peine qu’on s’y attarde un peu, ne serait-ce que pour réfléchir aux absurdités des guerres.

Aude Morin-Veyret

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