La Rue du Souvenir à Berlin

En vous baladant sur les bords de Spree du côté de Alt-Moabit, vous trouverez, quelque peu cachée dans la cour du Ministère de l’Intérieur (Bundesministerium des Innern), la Rue du Souvenir (Strasse der Erinnerung).

En guise de rue, une allée accessible aussi bien à pied qu’à vélo qui longe les hauts bâtiments et accueille des sculptures en bronze. Installées à la demande de la fondation Ernst Freiberger – du nom de son créateur qui loue également ses bureaux au Ministère – elles rappellent aux promeneurs l’existence des « héros sans épée » qui ont, chacun dans leur domaine, combattu en faveur de la liberté ou ont été victimes du régime hitlérien. Pour Ernst Freiberger, il s’agit de montrer qu’il y avait aussi « des héros positifs en Allemagne dans la première moitié du XXe siècle« , des gens qui ont agi de manière exemplaire en des temps très durs, des Allemands qui ont prôné la paix et refusé d’adhérer au nazisme.

Avec sa plume, Thomas Mann a dénoncé les idées du régime tandis que le scientifique Albert Einstein en a subi les conséquences. Ce dernier, inquiété par les nazis à cause de ses origines juives et de ses revendications pacifistes, a été contraint à l’exil, tout comme l’architecte Ludwig Mies Van der Rohe qui a lui aussi fui la dictature. Quant à l’écrivain Albrecht Haushofer, il a été exécuté pour avoir été un membre actif de la résistance allemande. L’homme politique Walther Rathenau, juif, n’a pas non plus été épargné : il a été assassiné par l’organisation d’extrême-droite Consul. L’infortuné Georg Elser a eu droit à son buste ; résistant solitaire voulant enrayer la guerre dès novembre 1939, l’horloger a manqué de peu son attentat contre Hitler et les figures-clés du parti nazi. Geste qui lui a valu d’être emprisonné dans des camps puis d’être exécuté. L’économiste et homme d’État Ludwig Erhard et l’inventeur Konrad Zuse sont également représentés dans la Rue du Souvenir.

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Rue du Souvenir © Alexia Robin
Seules deux femmes sont jusqu’ici présentes dans cette galerie à ciel ouvert : Käthe Kollwitz et Edith Stein. La première, artiste opprimée par le régime nazi, a œuvré pour la représentation de la société à travers l’art. La seconde, philosophe et religieuse d’origine juive, pacifiste et féministe engagée, a été déportée puis tuée à Auschwitz.

Chaque piédestal est décoré de plaques sur lesquelles vous pourrez lire des citations d’auteurs renommés. Sont inscrits également les noms des personnalités honorées, leur profession, ainsi que leurs dates de naissance et de mort. Juste à côté de la statue de Thomas Mann, vous trouverez un autre mémorial. Celui-ci, intitulé Nous sommes le peuple (Wir sind das Volk), a été installé en octobre 2009 en souvenir de la Révolution pacifique de 1989. L’œuvre de Rolf Biebl représente un homme franchissant un mur pour atteindre la liberté. Une manière de se souvenir de ces gens qui se sont soulevés, contribuant ainsi à la chute du Mur…

Alexia Robin

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