Les élèves de la Judith-Kerr Grundschule en partenariat avec Thierry Noir !

Fresque murale avec Thierry Noir ©Marie Dufour

Zoom sur le projet artistique de la classe de Madame Marty, professeur de français de la 2.Klasse à la Judith-Kerr Grundschule, école européenne franco-allemande de Berlin.

Les élèves travaillent cette année sur un projet d’envergure, celui de refaçonner les « murs » de leur école en partenariat avec l’artiste Thierry Noir. Réputé dans le monde du street-art berlinois et en particulier par rapport à son implication dans l’histoire du Mur de Berlin, celui-ci accepte aussitôt le projet et investit l’école avec plaisir.

Question à la maîtresse, Sylvia Marty :

  • Pourquoi avoir sollicité M. Noir pour intervenir dans votre classe ?

« Nous avons sa fille depuis 2 ans dans notre classe. J’y ai vu l’opportunité de mettre en place un projet artistique avec Thierry Noir, dont j’admire le travail. Il est important de faire travailler les élèves en partenariat avec un artiste et son implication dans l’histoire du Mur de Berlin nous permet en parallèle d’aborder cette thématique. Les enfants se sentent concernés et s’y intéressent beaucoup. Par la même occasion, ces fresques vont mettre de la vie et des couleurs dans notre école !

Ce projet éveille l’intérêt des autres classes de l’école. Beaucoup d’élèves sont venus regarder le travail de leurs camarades de 2.Klasse et en ont aussi profité pour demander quelques autographes à l’artiste! Cela a aussi donné des idées et envies de partenariats avec des artistes à mes collègues. »

Contours de bonhommes ©Marie Dufour

Thierry Noir, en artiste impliqué et consciencieux, amène à chacune de ses interventions ses anecdotes de vécu près du Mur de Berlin, des photographies ainsi que des dessins de sa main pour chaque élève. Cela permet ainsi de créer du dialogue entre l’artiste et les enfants et de permettre une réelle cohésion de groupe pour ce beau projet.

Questions aux enfants :

  • Qu’est ce qui vous plaît dans les séances que vous faites avec l’artiste Thierry Noir ?

M, 8 ans : « Moi ça me plaît parce qu’on peut dessiner « sur le mur »!

K, 8 ans : « J’aime les couleurs et les bonhommes. Je les avais déjà vus sur le mur de Berlin ! »

M, 7 ans :  « Sa fille est dans notre classe et j’étais déjà allée chez elle. C’est drôle de voir son papa travailler avec nous dans la classe ! »

Questions à Thierry Noir :

  • Nous n’allons pas revenir sur votre biographie complète aujourd’hui, mais pourriez-vous satisfaire notre curiosité et nous dire d’où vous viennent ces bonhommes à grosses lèvres que vous peignez ?

« C’est un style que j’ai développé sur le Mur après 1983. Au départ, je peignais pas mal vers Mariannenplatz où je vivais. Il s’avère que les passants étaient choqués de voir un étranger peindre ainsi sur le mur ! Au départ je faisais peu de peintures mais surtout des slogans pour briser les tabous ! Je n’étais pas au courant que c’était dérangeant…(vue du mur de Chez Thierry Noir en 86)  J’ai dû changer mon style et j’en ai adopté un assez spontanément qui me permettait de parler et peindre en même temps, et ce, rapidement ! Du coup, cela a donné des dessins simples, avec peu de matériel et peu de couleurs ! Les dimensions du mur étaient telles qu’il me fallait 1 à 2 segments pour qu’une grosse tête puisse se voir de loin. (exemple ici ou ici) Depuis, c’est donc ce style que j’ai gardé. »

Mise en couleurs ©Marie Dufour

Puis, à cela, Thierry Noir ajoute une anecdote récente : « Le 17 février 2017, nous avons fêté les 30 ans du film mythique « Les Ailes du Désir » de Wim Wenders. J’y avais un petit rôle où l’on me voyait sur une échelle près du mur à parler de couleurs… Nous sommes retournés à cette occasion sur les traces de ce passage. Des années plus tard, on ne reconnait rien ! C’est fou comme Berlin a changé !

  • Le personnage à fleur que vous avez dessiné pour chaque élève pour cette séance, représente-il quelque chose en particulier?
Le bonhomme à fleur ©Marie Dufour

« Oui, il symbolise la liberté retrouvée en Europe après la chute du Mur… »

  • Avez-vous donné une consigne particulière aux enfants pour peindre les bonhommes ?

« A la base, je n’utilise jamais de rouge pour peindre les yeux, de bleu pour les lèvres et de blanc pour les cheveux….Une question de connotations pessimistes ! C’était une consigne préalable. Maintenant, tout ce travail doit rester dans le domaine du plaisir et doit permettre aux enfants d’entrer en contact avec l’Art. Mais nous reviendrons sur ce sujet plus tard, les séances ne sont pas encore terminées… »

  • Travaillez-vous souvent auprès d’enfants (écoles, associations, musées etc…) ?

« Oui régulièrement. Dès que j’en ai l’occasion à vrai dire. Je travaille par exemple chaque année avec la Reinhardswaldschule à Kreuzberg lors de la « School Finals Berlin », un tournoi annuel de Street-Ball de basket pour les 10-18 ans. Des matchs à 3 contre 3. Les gagnants remportent un de mes tableaux. Le but de cette action étant de s’écarter du côté commercial (des grandes marques des sponsors) du sport et de mettre en avant l’Art.

Je remarque aussi régulièrement que les écoles travaillent en s’inspirant de mon style. Je suis souvent amusé et ravi de tomber sur des blogs de classes où je reconnais mon travail. (la Reinhardswaldschule, la Weinstadt-Schnait Schule par exemple)

Je suis toujours prêt à travailler en partenariat avec des classes.

Remplissage des bonhommes ©Marie Dufour

 

  • Et enfin, pour satisfaire ma curiosité, comment vous êtes vous retrouvé sur Berlin ?

« Il y a 35 ans. Totalement par hasard. J’ai quitté Lyon pour Berlin sans billet retour. Je voulais, ou plutôt « devais », changer quelque chose dans ma vie et cela devait être radical. En ce temps là, on entendait parler de la nouvelle vague musicale allemande, française et anglaise. Beaucoup de groupes étaient basés à l’ouest du Mur de Berlin. J’avais moi aussi envie de vivre de mon art, même s’il n’existait pas encore. Je voulais montrer aux autres et me prouver à moi-même que moi aussi je pouvais être un artiste ! Du coup, je suis venu et je ne suis jamais reparti. Mon colocataire était peintre de rue sur le Ku’damm et petit à petit, je me suis mis moi aussi à peindre et à vendre mes tableaux dans des restaurants. C’était de la « débrouille ». Mais je me suis donné à 110% de mes capacités, il le fallait pour que je puisse vivre. C’est là que j’ai commencé à être créatif. C’était parti. Aujourd’hui j’ai fondé une famille sur Berlin, je vis de mon art et je voyage énormément. »

Marie Dufour

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