Il était une fois un château qui sa vie durant aura déchainé toutes les passions des Berlinois. Chéri par certains, haï par d’autres, il aura très souvent fait l’objet de polémiques, jusqu’à être totalement détruit et rayé de la carte de Berlin en 1950. Aujourd’hui, tel le phoenix, le Berliner Schloß renait de ses cendres, nous offrant un saut dans le passé de la ville mais aussi la perspective d’un magnifique complexe artistique et culturel.
Symbole de la puissance de l’Empire
C’est en 1443 que débute la construction du château lorsque la famille des princes-électeurs (les Kurfürsten) du Brandebourg, les Hohenzollern, décident de s’installer de manière plus sédentaire à Berlin. La ville n’est alors qu’une minuscule bourgade située sur l’actuelle « île aux musées« , appelée Cölln. Au fil du temps, de la montée au pouvoir mais aussi de l’ego des différents princes-électeurs, le château a évolué tant dans son style que dans sa fonction.
Ainsi Frédéric II Dent de Fer posera la première pierre du château fort médiéval, Joachim II lui donnera des allures de résidence au style Renaissance mais celui qui aura le plus marqué l’édifice sera le prince-électeur Frédéric III. Grand amateur d’art, de sciences et de splendeur, Frédéric III souhaitait voir briller le royaume de Prusse au sein du Saint-Empire romain germanique. En 1701, se couronnant lui-même Frédéric Ier, roi en Prusse, il poursuivit les travaux pour que sa résidence soit à la hauteur de sa splendeur. Il y videra les caisses de la marche du Brandebourg, non sans susciter certains soulèvements du peuple de Berlin, mais il donnera au château l’allure qu’on lui connait actuellement, un magnifique monument baroque à l’italienne, inspiré des palais romains. Des architectes prestigieux comme Schlüter ou Oesander s’y succédèrent laissant leurs styles, leurs noms et leurs colossales factures au château.
Presque deux siècles plus tard, à la fin de la Première Guerre mondiale, l’empereur Guillaume II abdique et la République socialiste libre d’Allemagne est proclamée par Karl Liebknecht depuis un balcon du château, le 9 novembre 1918. Ainsi s’achèvent cinq siècles de résidence impériale dans le château, marquant aussi le début de sa descente aux enfers.
En effet, le 3 février 1945, le château est lourdement bombardé et incendié. Après la guerre, en ruines et symbolisant la monarchie, il se retrouve à Berlin-Est en République démocratique allemande (RDA). Autant dire qu’il est condamné… Sa destruction débutera le 7 septembre 1950. Symboliquement, ne sera conservé que le Karl-Liebknecht-Portal, portail par lequel avait été proclamée la République. Cet élément architectural d’origine a été intégré à la façade du nouveau siège du Conseil d’État de la RDA. Il est toujours visible à ce jour et fait face désormais au nouveau château, sur la Schloßplatz.
Le passage éclair du Palais de la République
Suite à la reconnaissance diplomatique de la RDA, le site de l’ancien château impérial est attribué à la construction du Palais de la République. Inauguré en 1976 par Erich Honecker, c’était le lieu central des grandes manifestations politiques et culturelles de la nouvelle République.
Mais assez vite, l’embarras que posent les tonnes d’amiante injectées dans sa structure, et par la suite, la disparition de la RDA lors de la réunification de l’Allemagne, font que le palais, problématique et obsolète, sera fermé en 1990. Finalement en 2006 le Bundestag décide la disparition du Palais de la République et en décembre 2008, malgré 5 ans de désamiantage, il n’est plus.
Le château de Berlin 2.0 et le Humboldt Forum
Toujours en 2008, c’est l’italien Franco Stella qui gagne le concours international d’architectes pour la construction du Château de Berlin – Humboldt Forum. Les travaux débutent officiellement le 21 juin 2012. Malgré de nombreuses contestations, notamment des anciens habitants de Berlin-Est, le château va revoir le jour et s’inscrire comme un élément complémentaire du centre de Berlin.
Complémentarité d’un point de vue visuel, d’une part, puisque la reconstruction va permettre de recréer les perspectives voulues par les architectes qui avaient dessiné les plans de Berlin à partir de la silhouette du château. Trois des façades d’origine sont refaites à l’identique mais afin de garder en mémoire les traces du passé, la 4e façade, celle donnant sur l’Est et la rivière Spree, est de conception moderne. Et elle pourrait bien rappeler les lignes de l’ancien Palais de la République.
Également, en tant qu’hôte du Humboldt Forum, le château se met au service des arts et des sciences. Ce nouveau site recueillera, après leur déménagement, les collections du Musée d’ethnologie – arts et civilisations d’Afrique, des Amériques et d’Océanie – et du Musée des arts d’Extrême-Orient de Dahlem. Ces collections vont s’associer aux collections scientifiques de la Humboldt Universität et à l’inventaire de littérature extra-européenne de la bibliothèque centrale et régionale de Berlin. Cet ensemble, avec les magnifiques collections européennes déjà présentes dans les musées voisins, créent ainsi sur l’île aux musées un gigantesque forum de la curiosité et de la connaissance du monde.
L’inauguration du Humboldt Forum a eu lieu virtuellement – pour cause de pandémie – le 16 décembre 2021 et si les conditions sanitaires le permettent, le public devrait pouvoir profiter des premières expositions dès le printemps 2021.
Aude Morin-Veyret
NDLR : Si vous souhaitez « apporter votre pierre à l’édifice », vous pouvez contribuer à l’achèvement des façades du château en faisant un don ici !