Berlin possède la scène indépendante la plus importante d’Allemagne, y compris en matière de théâtre. On y trouve toutes formes d’expressions scéniques avec un goût prononcé pour les performances, mais aussi la pantomime, le mime et les marionnettes (Schaubüde). C’est à Berlin que de nombreux artistes contemporains s’amusent à prendre des risques artistiques donnant naissance à un théâtre expérimental très apprécié des spectateurs. Ces lieux offrent des spectacles souvent de très bonne qualité et il n’est pas rare que des comédiens, des metteurs en scènes et chorégraphes soient révélés au monde entier sur ces scènes. On peut ainsi citer en exemple la chorégraphe Sasha Waltz, le collectif de performances She She Pop ou encore le collectif de théâtre, films et installations Rimini Protokoll.
Photo en vignette: Radialsystem V Panorama © Sebastian Bolesch
Cette scène subsiste en partie grâce à l’aide du Land de Berlin et de son fonds principal de soutien à la culture à Berlin, le Hauptstadtkulturfonds. Le Sénat et le parlement de Berlin sont en ce moment en discussion quant à une éventuelle hausse de ce budget soutenue par la coalition pour la scène libre berlinoise. Sur un total de 10 millions d’euros par an pour ce fonds principal, la Ville-État de Berlin souhaiterait à partir de 2014 décerner un million à la compagnie de Sasha Waltz, la grande chorégraphe contemporaine allemande. Malheureusement, les négociations entre le Sénat et le parlement de Berlin n’aboutissent aujourd’hui qu’à la moitié de ce montant.
Le mot d’ordre de ces scènes pourrait être résumé ainsi : « Prenez des risques et à bas les attitudes élitistes ! »
Radialsystem V
Ce centre culturel met surtout l’accent sur la danse et sur ce que les Allemands appellent le théâtre musical – opéras, concerts ou pièces de théâtres chorégraphiques. C’est ici que se produisent les créations de l’académie pour la musique ancienne de Berlin, Sasha Waltz & Guests, l’ensemble de solistes Kaleidoskop et le Vocalconsort Berlin. Ce lieu s’est fixé comme principe celui du dialogue. Le dialogue entre une architecture ancienne et moderne, le jeu entre la tradition et l’innovation, la musique ancienne et la danse contemporaine, les arts appliqués et les nouveaux médias, la culture et l’esprit d’entreprise.
Sophiensäle
Ce théâtre situé à Mitte est connu pour avoir dévoilé de nombreux talents. Il s’agit du centre névralgique du théâtre contemporain allemand ! Un point central du travail de ceux qui se sont succédé à l’intendance de ce centre culturel – Sasha Waltz, Heike Albrecht et Franziska Werner (depuis 2011) – est l’encouragement de la jeune génération d’artistes avec les festivals « Tanztage » et « Freischwimmer ». Le mode de travail dans ce théâtre est la création commune et interdisciplinaire. Ici, on ne perçoit pas le théâtre comme un art isolé des autres.
Festsaal © Joe Goergen
HAU – Hebbel Am Ufer
HAU – Hebbel Am Ufer, combinaison de trois théâtres tel qu’on le connait aujourd’hui, est né en 2003 à l’initiative de Matthias Lilienthal, réunissant dans une même institution le Hebbel Theater, construit en 1907, le théâtre am Halleschen Ufer, ancienne Schaubühne, et le Theater am Ufer Kreuzberg, consacré en grande partie aux résidences – d’où la naissance des HAU1, HAU2 et HAU3. Le but était de créer un complexe interdisciplinaire et international dans lequel se croisent des compagnies innovantes et prêtes à relever le défi de nouvelles expérimentations théâtrales, chorégraphiques ou musicales. Un an après sa création, le HAU Hebbel Am Ufer est élu « Théâtre de l’année ». Ce lieu fonctionne souvent sur le mode du festival avec des thèmes tels que la musique à Berlin des années 1980 à aujourd’hui ou encore les cultures scandinaves ou estoniennes. Le « 100°C Berlin » s’y tient tous les févriers ainsi que le festival de danse contemporaine « Tanz im August », qui fêtera cette année son vingt-sixième anniversaire. Le HAU Hebbel am Ufer est dirigé depuis 2012 par une femme, Annemie Vanackere, anciennement intendante du Rotterdamse Schouwburg, théâtre reconnu à l’échelle mondiale. Elle possède ainsi toutes les relations et compétences nécessaires pour maintenir le but qu’avaient fixé Matthias Lilienthal pour le HAU.
Haus der Berliner Festpiele
La Haus der Berliner Festspiele est directement rattachée à l’histoire singulière de Berlin. Ce théâtre à l’architecture post-moderne a été construit en 1963 par l’association Freie Volksbühne sous le nom de « Theater der Freien Volksbühne ». Dirigé par Erwin Piscator, il était alors le théâtre populaire de Berlin-Ouest, la Volksbühne originaire se trouvant isolée à l’Est jusqu’à la chute du Mur. Vendu à des investisseurs privés, il devient la Haus der Berliner Festspiele en 2001. Entrant essentiellement dans le cadre de festivals de renom tel que le MaerzMusik, le Foreign Affairs ou encore le Theatertreffen, sa programmation pluridisciplinaire, largement ouverte aux créations internationales, se veut un reflet particulièrement probant du mélange des arts symptomatiques de l’époque contemporaine – son association avec le Martin-Gropius-Bau ne peut qu’en attester.
Ballhaus Naunynstraße
Ce lieu se définit comme un théâtre « translocal » depuis sa réouverture en 2008 avec une programmation à dominante « post-migratoire ». Ce terme a été inventé par sa précédente intendante Shirmin Langhoff – aujourd’hui à l’intendance du Maxim Gorki Theater – et pour qui il était essentiel que le théâtre reflète l’ « identité bâtarde » de Berlin. Ce lieu se fit principalement un nom grâce à la programmation de Verrücktes Blut de Nurkan Erpulat et de Jens Hillje – aujourd’hui co-intendant du Gorki Theater. Ce centre de création et de recherche a opté pour une programmation engagée, cinglante mais pleine d’humour pour traiter les sujets de société les plus tabous. Les nouveaux intendants Wagner Carvalho et Tunçay Kulaoğlu s’inscrivent dans la continuité de ce théâtre post-migratoire mais vont encore plus loin dans la recherche d’un théâtre tourné vers l’avenir avec des nouvelles formes d’expression dramatique propres à la nouvelle génération d’artistes.
Focus sur la danse
Il semble également important de nommer trois autres lieux majeurs de la scène indépendante berlinoise pour le théâtre ou la scène interdisciplinaire propre à Berlin, même si les productions de ces lieux de création se concentrent essentiellement sur la danse.
Uferstudios
Ces salles de spectacles de danse installées dans l’ancien centre de stockage des transports publics berlinois ont pour particularité d’être un lieu d’information mais aussi de rencontres entre élèves et professeurs de danse, chercheurs et sociologues. Ainsi ce lieu s’inscrit-il dans une série de recherches d’étudiants et de professeurs de l’école des arts de Berlin (UdK) au sujet de l’existence et de la nécessité d’un lien entre l’art – et plus particulièrement la danse – et l’engagement politique. L’Uferstudios fait partie de la Tanzfabrik.
© Tous droits réservés par Uferstudios
Dock 11
Si ce complexe industriel situé à Prenzlauer Berg depuis 1994 est essentiellement actif dans le domaine de la danse, on y voit également beaucoup de performances et de créations théâtrales. Les chorégraphes les plus présents sont Martin Stiefermann, Isabelle Schad et Benoît Maubrey. On peut également prendre des cours de danse que l’on soit professionnel ou simple amateur.
© DOCK11 – Photo: Doris Kolde
Neuköllner Oper
Cet opéra privé est un élève modèle de la scène alternative berlinoise en opéra. La programmation couvre un spectre assez large : des opéras classiques de Mozart aux mises en scènes avant-gardistes comme des opéras plus contemporains et expérimentaux comme la co-production germano-grecque Yasou Aida. Grâce à ce lieu, on croît à nouveau à l’opéra citoyen, à un lieu de rencontre mêlant des milieux artistiques, sociaux et intellectuels variés.
Neuköllner Oper © Matthias Heyde
Marie Roth et Sophie Galibert