« Das Schlimmste am Theater ist für mich die totale Verwechselbarkeit“ (le comble du théâtre serait l’absence de singularité) Frank Castorf, metteur en scène allemand, intendant de la Volksbühne depuis 1992.
La scène de théâtre officielle berlinoise est très riche et d’une grande diversité parce que les théâtres sont nombreux, mais surtout parce que chacun d’entre eux s’est construit sa propre « identité ». Voici une présentation des différentes scènes de théâtre qui vous aidera, nous l’espérons, à vous orienter. Celle-ci n’est évidemment pas exhaustive mais reprend les « incontournables ».
Deutsche Theater Photo: Arno Declair
La Schaubühne est probablement le théâtre dont vous aurez le plus entendu parler avec le Berliner Ensemble, du fait de leur présence sur les scènes internationales et notamment à Paris au Théâtre de la Ville ou au Théâtre de l’Europe – Odéon.
C’est Peter Stein qui fit connaître le nom de la Schaubühne. Puis celle-ci fut reléguée aux oubliettes quelque temps jusqu’à l’arrivée de deux jeunes utopistes en 1999: Thomas Ostermeier et Sasha Waltz. Ils ont codirigé le théâtre quelque temps en essayant de trouver un équilibre parfait entre la danse et le théâtre. Ils prirent progressivement conscience de la difficulté à maintenir un tel équilibre à chaque production et Sasha Waltz programme depuis 2004 également ses spectacles au Radialsystem V ou aux Sophiensäle, à la Staatsoper et sur nombreuses scènes internationales.
La Schaubühne est un théâtre qui n’a pas peur de parler de politique et d’échanger avec son public. Elle y parvient à travers ses pièces mais aussi au travers de workshops ou encore de séries de débats, tels ceux intitulés « Streit ums Politische » .Du fait de son rayonnement international, la Schaubühne propose souvent des pièces surtitrées en anglais et parfois même en français et en espagnol.
Le Berliner Ensemble situé à Friedrichstraße dans la maison Am Schiffbauerdamm construite en 1892 en tant que NeuesTheater doit son nom et sa renommée actuelle à Bertholt Brecht.
Le Berliner Ensemble est aujourd’hui considéré dans le monde entier comme la maison de Brecht.Ces dernières années le « BE » a été critiqué, ou plutôt son intendant Claus Peymann, mais il reste l’un des théâtres les plus visités en Allemagne. Le théâtre a récemment été privatisé et Peymann peut donc renouveler son mandat à l’infini, ce qui ne fait pas que des heureux. Il semblerait que celui-ci soit lassé de certaines mises en scènes historiques de Brecht et qu’il leur donne ainsi une priorité amoindrie. Sans parler des pièces de Heiner Müller, auteur dramatique et metteur en scène allemand majeur (1929-1995) que Peymann ne supporte pas et refuse de programmer.
Il n’empêche que l’on y voit encore des incontournables comme Die drei Groschenoper ou Mutter Courage de Brecht mais aussi Arturo Ui de Heiner Müller et d’autres créations de Robert Wilson, également dramaturge résident du BE.Mises à part les pièces du répertoire, on peut également assister à des lectures d’écrivains contemporains ou encore à des concerts tels que Nina Hagen interprétant des Lieder de Bertholt Brecht.Il s’agit par ailleurs d’une très belle salle qu’il est possible de visiter en journée !
Le Gorki Theater, qui a gardé ce nom du temps de la RDA, est un théâtre important pour la scène berlinoise, et ce en dépit de sa taille moyenne. Les spectateurs viennent à nouveau plus nombreux depuis 2006 depuis l’arrivée de son intendant Armin Petras, qui a mis l’accent sur des scénographies mêlant un style classique et expérimental.
La nouvelle intendante depuis le mois de novembre 2013, Shermin Langhoff, actuellement présente dans la scène indépendante berlinoise, a pour ambition de faire renaître le caractère très « ancré dans le présent » de ce théâtre. Ainsi, elle a choisi de faire de ce théâtre le reflet du Berlin d’aujourd’hui : un ensemble interculturel pour une communauté post-migratoire dans LA ville interculturelle d’Europe.
Maxim-Gorki-Theater © Hiptruss /CC BY-SA 1.0
La Volksbühne est un théâtre particulièrement connu pour ses mises en scènes souvent controversées, qui ne vous laisseront jamais indifférents, en bien comme en mal. Les classiques sont parfois tant revisités et réécrits qu’ils en deviennent méconnaissables, mais c’est une expérience à vivre ! Frank Castorf, ancien intendant de la Volksbühne, résume bien l’esprit de ce théâtre ; il dit en effet que la « Kunstkacke » (merde artistique) ne l’intéresse pas. Il lui préfère la « Realitätskacke » (la merde réaliste).
La Volksbühne est aujourd’hui le théâtre choquant par excellence – et non plus le Berliner Ensemble, qui ne représente plus les mises en scènes bouleversantes contemporaines.La Volksbühne fut également un lieu historique de l’effondrement de l’Allemagne de l’Est. En 1989, ce sont en effet ses étudiants et comédiens qui furent à l’origine des grandes manifestations qui conduisirent à la révolution pacifique et à la chute du mur.
Le Deutscher Theater est aussi appelé « Olympe du théâtre » notamment en référence à ses acteurs renommés. Ce théâtre est en quelque sorte la Comédie française des Allemands.
A côté des grands classiques comme Shakespeare, Schiller, Goethe, Molière, Racine et Eschyle, le Deutscher Theater tente de montrer des pièces d’auteurs contemporains et ce particulièrement une fois par an en juin lors des « Autorentheatertagen » – journées des auteurs de théâtre.
Pour l’anecdote : En 1989, alors que Heiner Müller répète son montage de « Hamlet/Maschine » au Deutscher Theater, les manifestants de la première révolution pacifiste, la « révolution par le bas » défilent dans les rues de Berlin. Ironie de l’histoire et parfaite mise en abyme : la pièce de Heiner Müller, qui traite justement de la Révolution, fournit les sous-titres à celle, réelle, qui a lieu au même moment dans les rues de Berlin.
Deutsche Theater Photo: Arno Declair
Le Grips Theater est le théâtre pour enfants le plus connu en Allemagne et peut-être même dans le monde entier. C’est ici que le musical allemand renommé « Linie 1 » (Birger Heymann pour la musique, Volker Ludwig pour le texte, Wolfgang Kolneder à la mise en scène) a vu le jour.
M.R.
Photo Grips : Jan Schenck