« Comme il y a eu le polar suédois, le Feel Good Book, maintenant il y a un nouveau genre : c’est le roman de toxicomane berlinois. C’est un phénomène de société. Moi ce qui me plait là-dedans, c’est que ces jeunes-là au moins ne tuent personne à part eux-mêmes. » disait Frédéric Beigbeder sur France Inter à propos de Techno Freaks, le dernier roman de la berlinoise d’adoption Morgane Caussarieu.
À travers 183 pages haletantes, Techno Freaks retrace heure par heure le week-end interminable d’une petite bande d’expats qui commence dans les toilettes du Griessmülhe pour se finir sur le dance-floor du Panorama Bar.
Des montagnes du Jura au paradis des freaks
Techno Freaks dresse un portrait au vitriol de la jeunesse francophone partie s’émanciper à Berlin. Une génération aussi désabusée qu’en quête d’absolu dont, le narcissisme exacerbé par la drogue et les idéaux grandioses collent mal avec le mode de vie décadent. Partis pour se réaliser en tant qu’artistes, on les retrouve en effet bien souvent à travailler dans les call centers ou à dealer pour arrondir les fins de mois.
Alors comment survivre à ce paradoxe ? S’oublier dans les bpm de la Techno, s’évader pendant trois jours hallucinés, se déguiser chaque week-end pour aller prier à l’église du Berghain ? Seuls au milieu des autres, bien au chaud dans leur camisole chimique, les personnages de Techno Freaks sont autant de reflets grimaçants d’une société consumériste dont les plaisirs instantanés préfigurent ses lendemains infernaux.
Enfants perdus à Sincity
Une amie en visite me confiait que l’atmosphère berlinoise lui rappelait le Pays des Jouets où échouent les enfants perdus de Pinocchio avant de se transformer en ânes.
Difficile en effet d’échapper aux tentations, de ne pas se faire broyer par la Techno, de résister à l’appel de la Kétamine qui jette un voile mystique sur la réalité : « Berlin c’était mieux avant… »
Morgane Caussarieu a justement réussi à fixer ces heures suspendues des nuits berlinoises à l’agonie dans un roman coup de poing qui se lit d’un trait.
Lou Antonoff