Partez sur les traces de Franz Biberkopf – littéralement « Frank tête de castor » – l'(anti)-héros du roman Berlin Alexanderplatz d’Alfred Döblin.
La trajectoire déviante d’un personnage halluciné
« Il se trouva devant la porte de la prison de Tegel. Il était libre. Hier encore, en uniforme de détenu, il avait, avec les autres, buté des pommesde terre aux champs ; maintenant il portait un pardessus d’été beige. »
Pour peu que vous vous enfonciez dans les bois qui entourent le superbe lac de Flughafen See, situé dans le quartier de Reinickendorf, vous pourriez tomber nez-à-nez avec l’un des imposants murs qui encerclent la prison de Tegel. Et, qui sait, croiser le chemin d’un mystérieux individu en pardessus d’été beige, attendant un tramway fantôme, une cigarette au coin de la bouche.
L’Alexanderplatz comme point névralgique de l’intrigue
Tour à tour terrassier, déménageur, vendeur de journaux ou camelot, Biberkopf arpente les bas-fonds de la ville au pas de course, espérant gagner sa croute sans avoir recours à l’illégalité, et en passant, toujours, un moment ou un autre par l’Alexanderplatz.
Le microcosme de l’Alex – comme l’appelle les berlinois – avec ses clochards, ses putains, ses maquereaux et ses vendeurs de saucisses, devient le miroir, ou plutôt le mégaphone d’une société allemande où chacun s’efforce tant bien que mal de faire son trou dans la vie.
C’est autour de cette place en chantier que se dessine le Berlin à venir, une ville en perpétuelle construction, toujours changeante et pourtant éternelle, dans laquelle le souvenir des grandes luttes prolétariennes de l’après-guerre persiste tandis que la peste brune se profile à l’horizon.
La ville sous toutes ses coutures
Bien que l’on soit désormais loin du Berlin chaotique du roman, on peut se plonger dans l’atmosphère effervescente et enfumée des bars à gnôle de Berlin Alexanderplatz, en fréquentant par exemple les Kneipe familiaux de Schöneberg ou de Kreuzberg dont l’ambiance est à des années lumières des bars remplis d’expatriés à la bande-son techno.
L’occasion de pratiquer son allemand en buvant des schnaps, et peut-être, d’échanger quelques mots avec un Reinhold, l’alter-ego de Biberkopf, pilier de bar et escroc à la petite semaine.
Autre piste, pour se replonger dans le chef d’oeuvre de Döblin : assister à une projection de la série éponyme de Fassbinder, régulièrement à l’affiche des kinos berlinois…
Lou Antonoff