Le camp de concentration de Sachsenhausen

© Nicolas Donner     

Je suis allé deux fois au camp de concentration de Sachsenhausen à peu de temps d’intervalle. D’humeur blanche ou noire, j’allais éprouver les deux fois exactement la même profonde souffrance empathique pour les quelques 200 000 êtres humains qui eurent à passer par ce bien triste lieu.

Les plus cyniques pourront objecter que Sachsenhausen n’est de loin pas le pire des camps conçus par les nazis ; Auschwitz-Birkenau, Maidanek, Treblinka, Sobibor sont des noms qui résonnent encore plus sinistrement dans l’Histoire car la mort industrielle y était d’emblée planifiée. Mais il paraît sage de se ranger derrière les écrits des comités de survivants qui à l’entrée du camp disent refuser « la mise en équivalence des culpabilités, la hiérarchisation de la souffrance, la concurrence entre les victimes et l’amalgame des phases historiques ».

Et le lieu, situé au nord de Berlin, a une double particularité qui le rend essentiel à la compréhension du système des camps : il a été en 1936 le premier complexe dessiné par un architecte SS et conçu comme l’archétype du camp de concentration idéal – avec sa forme triangulaire devant permettre un contrôle total sur les détenus. Et puis c’est aussi à cet endroit que s’établit dès 1938 l’Inspection des camps de concentration (IKL en allemand), soit la centrale administrative de tous les camps construits dans la sphère d’influence allemande, notamment responsable des directives concernant le travail forcé, les punitions et les expérimentations médicales.

Plusieurs musées pour explorer différentes dimensions du camp

camp-concentration-sachsenhausen-1
© Nicolas Donner


Le visiteur qui se rend à Sachsenhausen doit savoir qu’il y a ENORMEMENT de choses à lire, à écouter et voir – une journée ne suffit pas vraiment pour les plus curieux. Les espaces d’exposition sont décentralisés : avant même le portail de la tour A, on trouve un musée très complet sur la création du camp d’Oranienburg en 1933, qui a précédé celui de Sachsenhausen, et des informations sur le réaménagement des lieux depuis 1945. Puis, le portail franchi, on découvre une vaste plaine où l’on doit pourtant s’imaginer toute une série de baraquements – le camp n’a presque plus rien d’original, les nazis sur le départ ont détruit plusieurs bâtiments puis les Soviétiques n’ont pas véritablement entretenu les lieux.

Et pour bien organiser votre voyage, nous vous recommandons nos articles suivants :

Sur la droite, des baraques ont été reconstruites pour montrer les conditions de vie à l’intérieur du camp et exposer des témoignages d’anciens détenus. Sur la gauche, ce sont les expérimentations médicales conduites sur le site – inoculation d’hépatite, stérilisation forcée, études biologiques sur les « races » – qui sont rappelées. Au centre, peu avant le mémorial antifasciste érigé en 1961, le centre de détention résume toutes les informations principales contenues sur le site avec notamment un film explicatif – c’est peut-être par là que le visiteur trouvera utile de commencer. Puis se rapprochant de la pointe du triangle, on découvre la fosse d’exécution, l’ancienne « Station Z » (crématoire qui a été détruit), la tour E et enfin, le musée spécial soviétique et les baraques adjacentes. Il faut en effet savoir que 12 000 personnes – petits fonctionnaires nazis et opposants politiques au régime communiste – ont encore trouvé la mort entre 1945 et 1950, les Soviétiques ayant réutilisé la plupart des bâtiments du camp.   

« L’émotion joue quoiqu’il en soit un grand rôle dans un tel lieu »

camp-concentration-sachsenhausen-2
© Nicolas Donner


Aux morts polonais, soviétiques, allemands ont donc succédé d’autres morts polonais, soviétiques, allemands. Cycles monstrueux et pourtant humains. C’est probablement cette sensation de folie parfaitement organisée qui a de quoi le plus glacer le sang. Une accumulation « banale » du mal qui devait donner aux détenus un sentiment parfait d’impuissance et une désespérance infinie. On reporte que le commandant du camp rappelait sur la place d’appel que la seule sortie pour tous, c’était là-bas, pointant du doigt la cheminée du crématoire. Et puis partout où les nazis ont tué à tour de bras, ces recherches pour libérer de l’espace tant les cadavres s’accumulent, comme si les cerveaux meurtriers étaient dépassés par la vertigineuse folie de leurs propres actes.

Le camp de Sachsenhausen n’est pourtant pas fait pour écoeurer le visiteur, comme le rappelle Horst Seferens, chargé de presse. « Notre but est avant tout d’informer sur les conditions de vie des détenus et sur ce qui s’est passé ici. L’émotion joue quoiqu’il en soit un grand rôle dans un tel lieu. Il n’y a pas besoin d’en rajouter, comme cela a pu être le cas par le passé au moment d’aborder cette matière. Notre grand travail depuis la Réunification a été d’apporter une pluralité de vues sur le sujet et de le dépolitiser. Il faut que le visiteur puisse se faire une idée par lui-même, se faire sa propre représentation », déclare-t-il, informant qu’environ 500 000 personnes visitent le camp chaque année. 

Nicolas Donner     

8 Commentaire
  • CHAUVIN DOMINIQUE

    Voilà le genre d’endroit qui vous marque…beaucoup de choses à y voir en effet, à faire une fois dans sa vie tel un pèlerinage…..et puis cette odeur qui traîne encore, mélange d’odeur de mort, de brûlé et de désinfectants…incontournable pour qui veut s’imprégner de cette facette de la grande Histoire de Berlin.

  • Mallet

    Bonjour,
    Je rentre d’une semaine à Berlin. Je n’ai pas visité ce lieu volontairement par respect pour ma mère dont le premier mari a été déporté dans ce camp. J’ai par contre, visité tous les musées relatant l’horreur nazie. L’Allemagne et Berlin s’honorent à perpétuer un nécessaire et indispensable travail de mémoire. Ces musées sont poignants (musée juif, musée du mur, topographie des terreurs, musée de l’holocauste) et m’ont fait ressentir la violence vécue par la population berlinoise martyre.

  • HENRY

    Bonjour,
    Je cherche des documents sur les usines de construction aéronautique dans le secteur de Berlin Wilmerdorf, avant leur destruction par les alliés, pour compléter le document que j’ai publié à partir des archives familiales. 2 membres de ma famille ont été déportés en Allemagne et travaillaient sur la construction de moteurs d’avion. Ne parlant pas l’allemand, il m’est difficile de communiquer avec les services des archives de l’armée. En avez-vous vu et dans quels musées s’il vous plaît?
    merci d’avance.
    Pierre

    • MANS Gérard

      bonjour, comme vous, c’est mon père qui s’est retrouvé en Allemagne, il a travaillé chez AEG, j’ai publié sur ma page facebook un peu de doc
      vous pouvez me contacter
      je vais surement cet été au camp de Sacho

      • BOUVAT Janine

        Bonjour, Pour ma part c’est mon grand-père qui y a été déporté. Je m’y rendrai au Printemps 2019 avec ma mère et mon fils. Merci par avance de vos suggestions.

  • Estelle

    Bonjour, je cherche desesperement un lien pour s’inscrire a une visite en francais. Ou peux t on trouver cette visite ?
    Merci a vous pour la reponse !

  • dubreuil odette

    mon compagnon qui va avoir 98ans en décembre déporté résistant àsachsenhausen il avait 18 ans quand 2 années plus tard lors de l’ouverture des camps il a fait la route de la mort et a été libéré par les russes. Très forte personnalité , optimiste il a vécu une vie normale sans jamais parler à sa famille de ce qu’il avait vécu . Maintenant il se confie parfois à moi qui petite fille à cette même époque ait connu la guerre , l’occupation et les bombardements allies . L’autre jour je lui ais dit pourquoi tu n'(ena jamais parlé .sa réponse on ne m’aurait pas cru tant c’était incroyable alors j’ai préféré me taire.

Laisser un commentaire