On a parlé identité, névroses et du temps qui passe avec Jay Alansky

© Toutes nos vies
À l’occasion de la sortie de son long-métrage, Toutes nos vies, nous avons rencontré Jay Alansky à la terrasse d’un café de Prenzlauer Berg. Après avoir écrit de nombreux titres à succès dans les années 80 et 90  – du Banana Split de Lio au Sentimentale-moi de Plastic Bertrand,  en passant par des chansons pour Julien Clerc, Alain Chamfort et Jil Caplan – son projet électronique sous le nom A Reminiscent Drive s’est inscrit dans le courant de la “French touch” des années 90. Il vit désormais à Berlin où il se consacre – entre autres – à l’écriture, la composition et la réalisation.

Bonjour Jay, vous avez été tour à tour musicien, auteur-compositeur, producteur, photographe, écrivain… Pour beaucoup, le cinéma est la genèse des autres Arts. Passer derrière la caméra a-t-il été un aboutissement à votre identité artistique ? 

Je crois surtout que chaque discipline est différente. J’adore écrire et l’écriture est en effet un élément clé du cinéma. En fait c’est une histoire de perception. J’avais l’impression que c’était peut-être plus facile de regarder un film : un acte passif. Mais mon film est souvent qualifié de complexe, peut-être qu’il pousse le spectateur à être plus actif.

C’est vrai que j’ai été présent à toutes les étapes de la réalisation du film : de l’écriture au montage à la composition de certains morceaux de la bande-son et à la direction des actrices. Mais pour moi, écrire, prendre une photo ou filmer c’est la même chose. Dans un monde où tout est divisé en catégories, voire en sous-catégories bien distinctes, peut-être que ce film qui se veut un kaléidoscope d’images et de sensations est trop dense pour satisfaire les exigences de vitesse et de clarté du grand public.

Back to Boogie Town

Vous avez grandi à Paris avant d’émigrer aux USA et de vous installer à Berlin. Pourquoi placer l’intrigue de Toutes nos vies dans une maison perdue dans le Sud de la France ? 

C’est l’histoire d’une maison dans laquelle il se passe des choses. Il se trouve que je m’y suis installé pendant six mois. Une maison de location, un Airbnb si vous voulez, dans laquelle des femmes se succèdent. Il y a un portrait quelque part. Un portrait qui s’adresse à elles. Ces femmes échouent là. Un peu par hasard. Comme la plupart des gens échouent à Berlin d’ailleurs. La quiétude apparente de l’endroit laisse la place à leurs doutes, leurs questionnements, leurs solitudes. La maison devient l’espace d’un rite initiatique. Certaines ne veulent plus partir, il leur faudra alors s’arracher à l’endroit et retourner au monde. Time to go back to Boogie Town.

Masculin/Féminin

Huit femmes prennent la parole et se mettent à nu face à l’objectif pour s’atteler à une auto-analyse au scalpel. En regardant le film, je me suis demandée si Toutes nos vies était un portrait de femmes par un homme ou le portrait des hommes par les femmes ? 

C’est vrai qu’elles parlent de sexe et des hommes. Quand j’ai rencontré les actrices et leur ai fait lire le script, elle se sont toutes reconnues à travers mes mots. Honnêtement, je pense que je suis une femme…

Dans mon livre Le monde est un reproche, le personnage principal est  une femme. Il m’est venu naturellement d’écrire à la première personne. Pour en revenir au film, je pense qu’il parle d’elles comme de moi.

Au début du film, Rahel Thierbach demande en regardant droit dans l’objectif si « on a le temps de faire tout ce qu’on est censé faire ». Alors, est-ce qu’on a le temps ? 

Je crois que, comme il est dit dans un autre de mes films, le temps est vertical, tout existe en même temps. Ce film s’est fait dans la douleur et pour m’en remettre je suisen train d’en réaliser un autre.

Propos recueillis par Lou Antonoff. 

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